O. Hesnard

Les partis politiques en Allemagne

AVANT-PROPOS DE M. HENRI LICHTENBERGER

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Les partis allemands représentent en apparence une force imposante; ils sont véritablement le principe directeur de la démocratie allemande telle qu'elle a été organisée par la constitution de Weimar.
Leur réseau serré recouvre l'Allemagne entière. Ils forment des groupements organisés presque militairement et comprenant des effectifs considérables; ils englobent d'innombrables associations, se réunissent périodiquement en congrès solennels, obéissent avec discipline à des chefs influents, disposent de journaux, de caisses de secours, de puissants moyens de propagande et de combat. Leur action sur le gouvernement est décisive.
Ils gouvernent presque directement par l'entremises de ministres qui sont moins des collaborateurs choisis par un chancelier responsable que les commis des diverses fractions qui se sont associées pour assumer la direction des affaires.

On peut dire qu'un parti a droit en principe, au Reichstag à un nombre de députés proportionnel au chiffre de ses adhérents, dans le cabinet d'Empire à un nombre de ministres proportionnel à son effectif parlementaire, dans l'administration impériale à un nombre de postes proportionnel à son influence.

Le régime parlementaire fonctionne ainsi en Allemagne d'une façon tout à fait particulière. Le pouvoir réel n'est pas exercé par une majorité consciente de sa volonté et qui s'incarne dans un chef prenant ses responsabilités vis-à-vis du parlement. Il est géré en quelque sorte par un certain nombre de firmes rivales mais associées, qui se font représenter au comité central par des délégués de leur choix, et qui veillent avec soin à maitenir la part d'influence qui revient à chacune d'elles en raison de son importance, dans la direction de l'entreprise.

Les inconvénients de ce régime sont manifestes. Le sens de la responsabilité politique est très peu développé en Allemagne. La vie politique se passe en combinaisons éphémères, en marchandages compliqués entre les bureaux des partis qui négocient dans l'ombre.

Les délibérations du Reichstag ne sont guère que des séances d'apparat où tout se règle selon un scénario bien réglé d'avance entre les divers acteurs, où les orateurs désignés des partis au pouvoir et de l'opposition viennent faire entendre successivement des déclarations soigneusement contrastées et dont tous les termes ont été préalablement pesés et arrêtés de la façon la plus minutieuse. Les partis sont donc des machines puissantes mais dont le fonctionnement est lourd et laborieux et dont le rendement laisse souvent fort à désirer.

Leur organisation bureaucratique n'est pas faite pour favoriser l'ascension rapide des personnalités vraiment vigoureuses et aptes à exercer le pouvoir. Dans chaque parti, ce sont les comités qui ont seuls qualité pour désigner les candidats aux élections; il est à peu près inévitable que dans ces conditions les individualités fortes soient éliminées au profit des médiocres et des habiles.

Les hommes de valeur hésitent en Allemagne plus qu'ailleurs à affronter les risques de l'aventure parlementaire.

Les contempteurs de la démocratie ont dès lors beau jeu pour soutenir que le régime parlementaire n'est plus aujourd'hui qu'un trompe-l'oeil. Un Oswald Spengler peut affirmer aux applaudissements d'une grande partie de la jeunesse intellectuelle que la démocratie est le règne du "parti payé" et que l'Argent règne aujourd'hui en maître sur la vie publique: la petite oligarchie des hommes de la grande entreprise qui a su s'asservir les artisans, l'industrie, le monde des techniciens, l'armée du travail, qui a concentré entre ses mains le plus clair de l'avoir national, détient de plus en plus le pouvoir réel; elle est en mesure de "faire" les élections et d'exercer ainsi sur le parlement une domination occulte mais absolue; elle domine de même souverainement l' opinion publique par le Journal payé qui, martelant dans la tête du lecteur sans défense les formules dictées par ses inspirateurs occultes, fait et défait à son gré les convictions de la foule.

Même si nous refusions de croire que les partis allemands soient devenus simplement des instruments dont jouent à leur gré quelques Césars économiques, il est certain que leur prestige est aujourd'hui assez compromis. Le public est las de leur intransigeance dogmatique apparente qui trop souvent cache mal un assez cynique opportunisme, las de leurs fastidieuses controverses et de leurs interminables querelles, las de ces manoeuvres de coulisse et de couloirs, de toutes ces tractations occultes où les intérêts du pays sont trop souvent sacrifiés à de médiocres intérêts de coterie. Il témoigne d'une indifférence grandissante à l'égard de la vaine agitation parlementaire. Les abstentions se multiplient. De toute part, on craint une "décomposition" de l'Etat allemand.

M. Hesnard a évité le plus possible de s'engager dans les vastes discussions de philosophie politique. Il nous apporte en revanche sur ces firmes encore très puissantes que sont les grands partis allemands, des renseignements pratiques et précis du plus haut intérêt: il nous renseigne sur leur personnel, leur clientèle respective, leurs programmes, leurs moyens d'action, sur les combinaisons diverses qu'ils envisagent. Son étude nous permet une évaluation précise des forces politiques qui s'entrechoquent dans l'Allemagne d'aujourd'hui et nous aide de la sorte à mieux comprendre l'évolution qui s'y dessine, les combinaisons qui s'y ébauchent.

HENRI LICHTENBERGER

Juin 1923

 

 

Version : 09.12.2004 - Contents : Marzina Bernez-Hesnard

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