LE PROBLEME DES ACCORDS ECONOMIQUES

FRANCO-ALLEMANDS

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Index

I
LE MOMENT EST-IL FAVORABLE?

Le problème de l'entente économique entre la France et l'Allemagne, qui surgit périodiquement tantôt d'un côté de la frontière, tantôt de l'autre, est de nouveau à l'ordre du jour.

En pouvait-il être autrement?

Qu'on le veuille ou non, il va falloir négocier, en 1925, un traité de commerce avec l'Allemagne. La paix de Versailles nous l'impose; c'est tout l' immense problèmes des échanges entre les deux pays qui attend un cadre précis, un cadre nouveau: il serait prudent d'y songer dès à présent.

Dans le domaine industriel, des arrangements apparaissent également nécessaires, sinon inévitables. L'industrie allemande traverse une grave crise: crise des débouchés, crise des capitaux. Elle cherche un appui au dehors. Or, les intérêts bien compris d'un certain nombre des industries françaises ne s'opposent peut-être pas à des ententes avec les industries correspondantes d'Outre-Rhin, ententes qui pourraient porter sur les prix, les marchés extérieurs, voire sur le contingentement du tonnage à produire.

On est allé même plus loin, et des esprits animés des meilleures intentions examinent et proposent un vaste plan de participations industrielles destinées à régler le problème des réparations et à réaliser du même coup le rapprochement économique franco-allemand.

On voit que ce vocable d'entente économique renferme les choses les plus diverses, mais qui toutes convergent, en dernière analyse, vers l'établissement d'une paix économique entre les deux pays.

Si certains projets, certains plans ont échoué jusqu'à présent, la responsabilité de l'échec incombe surtout aux Allemands. La mentalité allemande ne se prêtait pas à une discussion sérieuse; peuple de petits rentiers, de petits commerçants, incapable de concevoir de grands desseins économiques, à qui la fortune a souri en lui donnant injustement, grâce à l'issue heureuse de la guerre, un patrimoine industriel considérable, trop considérable pour qu'il puisse le gérer avec fruit. Il me souvient qu'il y a deux ans, à Berlin, chez M. Haguenin, que nous pleurons aujourd'hui, M. Schacht, alors directeur d'une banque privée, m'exposait tout au long un plan d'entente industrielle qui devait en même temps servir de base au règlement des réparations. Mais il avouait avec franchise que, dès qu'on passerait à la réalisation, on devrait compter avec la résistance d'un grand nombre des industriels et peut-être d'une partie de l'opinion publique.

A vrai dire, les industriels allemands ne concevaient les ententes économiques avec la France qu'à condition de dominer la situation, de conserver une suprématie indéniable: c'était là le fond de leur pensée.

Mais l'occupation de la Ruhr a modifié profondément leur mentalité. Le Français lui apparait désormais sous un autre aspect. On a vu que l' ingénieur français est capable de faire marcher, au milieu d'une population hostile, une mine de charbon avec tout son outillage compliqué et délicat et d'obtenir des rendements supérieurs à ceux qu'elle avait connus sous la gestion allemande. On a constaté avec stupéfaction que les chemins de fer du réseau le plus dense du monde, abandonnés complètement par leur personnel, pouvaient renaître sous l'impulsion des militaires et des civils français. Des écluses paralysées à dessein s'ouvraient par les soins des hommes qualifiés de "techniciens médiocres". Quiconque a approché, comme nous, des industriels de la Ruhr, lors de la discussion des fameux accords avec les autorités françaises, a pu recueillir des confidences singulières: pour eux, c'était une révélation que de traiter avec des Français connaissant à fond ce bassin minier et métallurgique de la Ruhr, comprenant son rôle dans l'économie allemande et mondiale et qui se montraient capables d'examiner les grands problèmes industriels du présent et de l'avenir.

Le voilà, le résultat moral de l'occupation de la Ruhr! Il est permis de penser qu'il est plus important que le résultat matériel.

Grâce à l'occupation de la Ruhr, qui prend ainsi une signification nouvelle, peut-être sa signification véritable, il s'est créé une atmosphère qui rend particulièrement favorable la conclusion de vastes accords économiques entre la France et l'Allemagne. Peut-être ne se renouvellera-t-elle pas de sitôt.

Certes, si on voulait considérer des accords de ce genre comme une assurance absolue contre toute guerre nouvelle, on risquerait de se tromper. Jamais au cours des siècles, on n'a vu un tel enchevêtrement des intérêts qu'en 1914. Un immense réseau de cartels internationaux couvrait l'Europe et les mers. Nous en avons compté seize dans l'industrie des transports maritimes, dix-neuf dans l'industrie métallurgique et minière; treize dans l'industrie chimique; dix dans l' industrie textile et une quinzaine dans d'autres branches industrielles.

Hélas, ils n'ont pas pesé bien lourd, les formidables intérêts que représentaient ces puissants organismes économiques internationaux, devant le cataclysme politique! Ils n'ont rien empêché, rien retardé…

Mais s'il convient de ne pas exagérer le rôle du facteur économique, il serait absurde de lui dénier toute importance.

Dans les conditions actuelles, au milieu de cette Europe déchirée, les ententes économiques apparaissent comme des soudures solides, comme un élément de pacification que tout homme épris de paix doit souhaiter.

Il est vrai que l'examen même des possibilités d'ententes économiques entre la France et l'Allemagne est rendu quelque peu difficile. On a dit et répété que des arrangements de ce genre ne pouvaient se faire qu'au détriment de l'ouvrier, qu'ils ne tendraient, en dernier lieu, qu'à l'enrichissement de quelques groupes capitalistes: il serait vraiment fâcheux qu'on entourât d'une atmosphère de suspicion tout essai de politique tendant à harmoniser les grands intérêts industriels des deux peuples.

Il est temps cependant d'examiner la question de manière objective et dans son ensemble. Si au cours de ces études nous voyons que les accords économiques franco-allemands présentent des dangers, qu'ils doivent être rejetés au nom de l'intérêt général, ce sera leur condamnation. Si au contraire, nous finissons par trouver une ou plusieurs formes susceptibles de se réaliser au profit de la collectivité, nous ne les rejetterons pas de parti pris.

M. Hoschiller

 

 

Version : 09.01.2005 - Contents : Marzina Bernez-Hesnard

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