WALTER RATHENAU
MINISTRE DES RECONSTRUCTIONS

Index

p/fgOHesnard169.jpg

Ambassade de France
* Berlin *

Service d'études sociales

I - SA PERSONNALITE

Walter Rathenau est né à Berlin le 29 Septembre 1887 d'une famille juive. Son père, Emil Rathenau, avait fondé en 1883 la Société allemande Edison, qui en 1887 prit le titre de "Société Générale d'Electricité" (A.E.G). Grâce à l'intelligenge et à l'activité d'Emil Rathenau, qui avait eu dans l'industrie des débuts pénibles, la Société Générale d'Electricité devint rapidement une vaste entreprise et parvint à concurrencer à son avantage la maison Siemens & Balake, jusqu'alors omnipotente en matière d'électricité.

Walter Rathenau fit d'abord ses études au Gymnase de Berlin. Il étudia ensuite à la Faculté des Sciences de Berlin, puis à celle de Strasbourg où il se consacra en même temps à la physique expérimentale, aux mathématiques, à la chimie et à la philosophie. Dès ce moment là on reconnaissait en lui cet esprit de généralisation et de synthèse qui est une des marques des plus caractéristiques de son intelligence. A 22 ans il était déjà Dr avec une thèse sur l'Absorption de la lumière par les métaux, qu'il proposa à ses maîtres Helmholtz et Hoffmann. Dès lors, il se spécialisa plus particulièrement dans l'électro-chimie. Après une année passée au Polytechnicum de Munich, il entra comme technicien à la Société industrielle d'aluminium à Neuhausen en Suisse. En 1893, son père lui offrit une place dans la direction de la Société des Etablissements électro-techniques qu'il conserva jusqu'en 1898. Il construisit pour cette entreprise de grandes usines à Bitterfeld, en Allemagne, à Rheinfelden en Suisse, en Pologne et en France. En 1899, son père lui offrit une place dans le Comité directeur de la Société Générale d'Electricité: il y dirigea la section chargée de la construction des centrales électriques. En 1902, n'ayant pu faire adopter par le Conseil d'Administration de l'A.E.G. un projet de fusion avec les Etablissements Schukert, il sortit momentanément de l'industrie qu'avait fondée son père et trouva une place d'Administrateur à l'Electro Bank de Zurich. En même temps, il accepta une invitation de Karl Furstenberg qui l'appela au Comité Directeur de la Société Commerciale de Berlin. (Berliner Handelsgesellschaft).

En 1907, Walter Rathenau était déjà suffisamment connu pour que le Gouvernement ait jugé utile de lui confier une mission importante. Le Chancelier von Bülow l'adjoignit au Secrétaire d'Etat aux Colonies Bernhard Dernburg, pour faire une enquête sur l'est et le sud-ouest africain allemand et visiter les Colonies anglaises de l'Afrique du Sud.

Peu de temps après le Gouvernement l'envoya à Paris pour discuter avec le Gouvernement français l'affaire Mannesmann. Au moment où les pourparlers étaient sur le point d'aboutir, les frères Mannesmann firent valoir de nouvelles revendications qui renversèrent tous les projets de Rathenau. Sur ces entrefaites Rathenau revint en Allemagne et rentra à l'A.E.G. En 1915, il succéda à son père comme Président du Conseil d'Administration et sous sa direction l'entreprise continua de prospérer. Dernièrement, l'A.E.G. a porté son capital à 850 millions de marks. Walter Rathenau a cependant toujours fait preuve de la plus grande prudence en matière financière; il est partisan du système des dividendes modérées; il a évité de faire la chasse aux actionnaires et de distribuer des actions de préférence.

Pendant la guerre, W. Rathenau eut l'occasion de développer son activité. Le Gouvernement lui confia la tâche colossale du ravitaillement de l' Allemagne bloquée en matières premiéres. C'est Rathenau qui dès la déclaration de guerre eut le mérite de comprendre, pour son pays, toute l'importance des problèmes économiques qui allaient se passer. Dès le 10 Août, il demanda une audience au Ministre de la Guerre et lui exposa "que les approvisionnements en matières nécessaires à la conduite de la guerre seraient épuisées dans quelques mois ." Comme Rathenau envisageait une guerre de longue durée, il insista sur la nécessité d'organiser immédiatement le ravitaillement de l'Allemagne en matières premières. Le Ministre se rendit à son avis. Le 12 Avril 1915 W. Rathenau jugeant qu'il avait déjà terminé avec succès la mission qui lui avait été confiée remit ses fonctions à un successeur militaire, au Département des Matières premières et aux Sociétés d'achats qu'il avait fondées; ces Sociétés continuèrent de fonctionner normalement jusqu'à la fin de la guerre.

L'activité de Rathenau comme organisateur de ravitaillement en matières premières a provoqué dans les pays de l'Entente de nombreuses critiques. On a accusé Rathenau d'avoir été "un des principaux déménageurs de la Belgique". Un livre fort abondant a été publié en 1917 par M. Fernand Passeleng sur les "déportations belges à la lumière des documents allemands." Cet ouvrage contient des accusations formelles contre W. Rathenau, qui depuis lors n'a pas cessé de réfuter les faits qui lui sont reprochés. Aujourd'hui encore Rathenau supporte avec la plus vive impatience les allusions que l'on fait à son rôle de "déménageur". Il est rare qu'il cause avec un Français sans lui recommander de détruire les légendes qui ont paru à son sujet. Il rappelle qu'il a été l'adversaire personnel de Ludendorff et tient à ce qu'on fasse une différence absolue entre l'activité organisatrice qu'il a exercée et les pillages systématiques entrepris sur l'ordre du Grand Quartier.

La clarté de son jugement a fait rapidement comprendre à W. Rathenau les troubles économiques que la guerre, même victorieuse, pour l'Allemagne, ne manquerait pas de provoquer. Il ne cessa d'expliquer dans les nombreux livres qu'il écrivit la nécessité de procéder à une réforme de l'organisation sociale. Il fit une critique souvent sans ménagement du système économique de la fin du 19ième Siècle et du début du 20ième, responsable à son avis de la catastrophe qui s'était produite en 1914. W. Rathenau n'est pas seulement un organisateur de premier ordre qui a fait ses preuves à la tête de l'A.E.G. et des Sociétés de guerre allemandes; il est aussi un philosophe et un théoricien qui voit les défauts du régime capitaliste et qui essaie d'élaborer un plan rationnel d'organisation économique pour l'avenir. Parmi les nombreux livres qu'il a publié les plus importants sont "Zur Kritik der Zeit - Zur Mechanik des Geistes" et surtout "Von kommenden Dingen". Une édition de ses oeuvres en 5 volumes a paru à Berlin en 1918.

Depuis l'armistice, W. Rathenau s'est tenu assez à l'écart de la vie politique. Par ses idées économiques et sociales, il appartient à l'aile gauche du parti démocratique, mais il veut rester au dessus des querelles de parti. Il est demeuré président de l'A.E.G.

Dans sa villa de Grünewald, où il reçoit avec affabilité ses amis, artistes, industriels, hommes politiques et de nombreux visiteurs, il mène une vie d'observateur et d'intellectuel. Maximilian Harden, Gerhardt Hauptmann, font partie de ses familiers les plus intimes. Il n'est pas marié, il vit seul avec sa mère, possesseur d'une fortune qu'on dit assez importante, mais modeste en comparaison de celles des profiteurs de la guerre au nombre desquels il tient à honneur de ne pas se compter.

Comme directeur de l'A.E.G., il a eu à mener une campagne énergique contre Stinnes et les trust métallurgiques. Par ses idées sociales et politiques, il est l'adversaire déclaré de la concentration de l'activité industrielle entre les mains de quelques potentats. Il n'a jamais cessé de revendiquer les droits de la collectivité; toute son activité a tendu à les mettre d'accord avec les droits de l'individu: il est également éloigné des formules collectivistes du socialisme et des doctrines du laisser-faire et du laisser-aller, qui s'en tenant aux vieilles recettes du temps passé confient à l'arbitraire industriel le fonctionnement de la machine sociale.

II - SES ECRITS THEORIQUES

Walter Rathenau est avant tout un idéaliste. Dans un monde profondément mécanisé dont il connait les moindres rouages il s'attache à faire pénétrer la vie de l'esprit. C'est par cette action de l'intelligence sur les choses qu'il espère réformer suivant des principes équitables l'organisation de la société.

"Si l'humanité," dit-il dans son principal ouvrage "von kommenden Dingen", publié en 1917, "veut gagner le royaume de l'âme, il faut qu'elle rassemble toutes ses forces vives, il faut qu'elle tende au maximum en quantité et en intensité la force de l'intellect, la seule dont elle dispose librement."

Nul plus que Rathenau n'a confiance dans la volonté humaine. Le premier livre qu'il a consacré aux questions économiques et sociales et qui a paru en 1912, est intitulé "La critique du temps présent" (Zur Kritik der Zeit)- C'est une des études les plus pénétrantes qui aient été faites sur le régime capitaliste et ses conséquences. Pour Rathenau le milieu du 19ième siècle "est marqué par une profonde coupure. D'un côté l' ancien temps, la civilisation démodée, le passé historique; de l'autre nos pères et nous, temps modernes, le présent." L'époque moderne se caractérise par son uniformité, par la mécanisation "qui tend à tirer de notre planète surpeuplée des possibilités de subsistance et d'existence pour d'innombrables êtres humains." Cette mécanisation a exercé son influence sur la production, le régime de la propriété, la forme de l'Etat, la vie privée, etc. La production s'est concentrée, elle est devenue sans cesse plus intense. Elle a poussé à la consommation. Elle est devenue à elle-même sa propre fin. La propriété, c'est-à-dire le capital, a obéi, elle aussi, à ce phénomène de concentration; il a fallu concentrer les capitaux pour qu'à tout moment de grandes sommes d'argent pussent être envoyées sur les points où on en faisait l'appel.- L'Etat, à son tour, est devenu un mécanisme. Il n'est plus une entité mystique. Il se préoccupe surtout des problèmes du moment, de l'organisation immédiate de la vie matérielle.

La mécanisation a eu des résultats heureux: commodité de la vie, emploi utile des capitaux, etc. Mais elle peut avoir aussi des conséquences désastreuses. L'excès d'activité matérielle empêche l'individu de prendre conscience de lui-même, de sa pensée, de sa volonté. L'âme humaine, tend, elle-aussi, à se transformer en machine. Cependant, comme l' individu ne peut abdiquer sa propre puissance et sa propre dignité, il est naturellement porté à chercher le moyen de mettre en accord les exigences de la vie matérielle, de l'organisation sociale et les exigences de sa pensée.

C'est surtout dans son livre sur la mécanique de l'esprit (Zur Mekanik des Geistes), publié en 1913, que Walter Rathenau s'est attaché à analyser le caractère de l'esprit humain. De tout ses ouvrages c'est celui qui se rattache de plus près aux pures spéculations philosophiques. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est l'importance que Rathenau attribue, pour l'évolution future et le progrès spirituel de l'humanité, à ce qu'il appelle "les anciennes couches inférieures des peuples civilisés, c'est-à-dire au prolétariat". En ce sens, il se rapproche sensiblement des conceptions des théoriciens du socialisme.

Il se rapproche d'eux aussi à plusieurs reprises dans son grand ouvrage intitulé "Les choses à venir" (von kommenden Dingen) (1917). Le livre débute, il est vrai, par une critique du socialisme dogmatique, du marxisme, de la conception matérialiste de l'histoire, etc. Walter Rathenau conteste les principes mêmes de la philosophie socialiste, il en conteste également l'utilité pratique. Le socialisme à la façon de Marx n'a jamais rien pu édifier de positif. Il a voulu ruiner le capital, ruiner la rente et trouve comme seule solution du problème économique le partage du capital par la socialisation. Or, selon Rathenau, le capital et la rente sont nécessaires au fonctionnement de l'organisation économique. Karl Marx et ses disciples ne se sont pas rendu compte des fonctions essentielles du capital et de la rente dans la société; ils y ont vu surtout une injustice morale, la source de conflits politiques et de luttes de classes.

La solution que Rathenau propose s'éloigne du socialisme dogmatique, mais elle se rapproche singulièrement des conceptions modernes du socialisme par l'importance qu'elle accorde à l'organisation rationelle d'un système économique basé sur les droits de la collectivité. Entre le régime du capitalisme arbitraire, de la mécanique à outrance, et le collectivisme simpliste de l'école de Marx, la lutte des classes, Rathenau prévoit une réglementation de la production, de la consommation, de la propriété, qui assurera le fonctionnement normal de la vie économique de l'avenir. Il faut d'abord que la collectivité, c'est-à-dire l'Etat démocratique, surveille avec soin l'emploi des matières premières et en particulier de la plus essentielle de toutes, le charbon. "Si on respectait la houille comme le blé et le pain, on supprimerait dès aujourd'hui le souci de frais de revient et par là-même la brûlante question du salaire des mineurs ." Il faut aussi mettre un frein par des taxes rigoureuses à la consommation immodérée, c'est-à-dire au luxe. Enfin il sera nécessaire un jour de modifier la répartition même des fortunes, d'empêcher l'accroissement démesuré de capitaux improductifs entre les mains de quelques individus qui paralysent ainsi l'activité de leurs voisins. L' héritage au delà d'une certaine somme pourra être interdit et l'Etat devra bénéficier d'une partie de cette fortune transmise à un descendant qui n'a rien fait par son travail pour la mériter.

Rathenau considère que la propriété, soumise à cette réglementation nouvelle, "se dépersonnalisera peu à peu". Il prend pour exemple le cas des entreprises modernes où la notion de propriété est déjà affaiblie d'une manière étonnante. Personne n'est propriétaire en permanence; la composition du groupement anonyme qui est le maître de l'entreprise, varie sans cesse. Les actions sont de simples papiers toujours échangeables. La propriété devient simplement une sorte de "droit impersonnel à un revenu théorique" ... En se dépersonnalisant, elle prend la forme de propriété collective.

Dès les années de la guerre, une réforme du régime économique paraissait indispensable à Rathenau. Avec une clarté lumineuse il expose dans son "von kommenden Dingen" et dans différentes brochures, le bouleversement économique qu'allait provoquer la guerre. "L'organisation économique de l'avenir", a-t-il dit, "n'est plus chose privée mais affaire de la collectivité". Cette organisation collective il se la représente pratiquement par l'extension de l'activité et des droits des syndicats et des fédérations industrielles qui seraient "des corps reconnus par l'Etat, contrôlés par lui, doté par lui de prérogatives étendues." Pour Rathenau "le plus important des organismes de l'avenir est le syndicat professionnel. C'est lui qui constitue l'unité économique fondamentale, qui entretient des relations constantes, non seulement avec les groupements voisins mais aussi avec la classe ouvrière, le public et l'Etat".

Le nouveau syndicat se distinguera surtout du syndicat actuel en ce que l'Etat sera appelé à collaborer avec lui et à émettre des exigences là où il le juge utile. Les syndicats et les fédérations qui existent déjà aujourd'hui et qui ne servent le plus souvent que des intérêts privés seront appelés à servir, sous la surveillance de l'Etat, les intérêts de la collectivité.

A ce plan de rénovation économique s'unit un programme de rénovation politique. L' Etat ne doit plus rester ce qu'il était autrefois. Il faut en finir avec l'apologie de la tradition, la routine du passé, les méthodes absolutistes, la domination d'une coterie ou d'une classe. W. Rathenau est partisan de "l'état démocratique et national" où il faut atténuer les conflits qui se sont produits entre le souverain et le peuple. Le souverain, c'est le peuple lui-même; c'est grâce à un système de large liberté parlementaire qu'on arrivera à supprimer les heurts dans le fonctionnement de la machine politique. Néanmoins, Rathenau défend dans "von kommenden Dingen" le principe du système monarchique qui lui parait le plus apte, tout au moins en Allemagne, à assurer la bonne marche de l'Etat.

Il a complété ultérieurement sa théorie politique de l'Etat et a jugé nécessaire d'instituer à côté du Parlement un organisme social chargé de régler et contrôler la vie économique. L'institution d'un conseil économique répond à ses convictions de sociologue. C'est en harmonisant l'action de ces deux organismes, l'un purement politique comme le Reichstag, l'autre économique, que l'Etat pourra se développer et progresser.

III - L'APPLICATION PRATIQUE

Lorsque la défaite eut provoqué le bouleversement économique annoncé depuis plusieurs années déjà par W. Rathenau, l'Allemagne chercha les moyens de procéder à sa réorganisation intérieure.

Walter Rathenau fut de ceux qui déclarèrent dès le début que la seule possibilité de salut pour l'Allemagne consistait dans l'augmentation et la réglementation de la production. Il n'attacha pas une grande importante aux solutions purement financières qui, par l'accumulation d'impôts nouveaux, voulaient d'abord rétablir l'équilibre du budget. Les nombreux articles qu'il fit paraitre dans la Vossiche Zeitung, dans le Berliner Tageblatt, exprimaient tous une certaine crainte envers les plans aventureux des réformateurs financiers qui risquaient, en imposant trop fortement le capital, de le ruiner et de compromettre ainsi le développement ultérieur de la production. Ce que W. Rathenau demandait au Ministre des Finances c'était de réduire dans toute la mesure du possible les dépenses inutiles. Quant aux impôts nouveaux, il fallait en user avec une extrême prudence. Peu importait en somme que la presse à papier continue temporairement de tourner, si elle fournissait d'abord à l'Allemagne une partie des capitaux nécessaires pour mettre en branle l'industrie et hâter le relèvement de la production. Plus tard, lorsque la balance du commerce extérieur serait de nouveau active, l'équilibre économique et financier se rétablirait de lui-même.

Mais W. Rathenau savait qu'il n'était plus possible après un si profond ébranlement, de faire confiance aux méthodes du passé. Dans ses écrits, il avait déjà défendu l'idée d'une réglementation de la production, seule capable de réprimer le gaspillage, l'arbitraire individuel, et de respecter les droits de la collectivité.

Il songea aux moyens d'appliquer pratiquement les principes qu'il avait énoncés. Il fut, dès les premiers temps de la Révolution un des défenseurs du système de "l'économie ordonnée" (Planwirtschaft), auquel le Ministre de l'Economie Publique du Cabinet Scheidemann, le socialiste-majoritaire Wissel et le Directeur Ministériel Möllendorf attachèrent leurs noms. La "Planwirtschaft" repose sur le principe de "l'organisation horizontale" de la production. Elle prévoit le groupement en associations des industries d'une même branche, mines, métallurgie, textile etc. qui constitueront autant de fédérations appelées à se régir elles-mêmes et à régler leurs intérêts spéciaux. Ces associations industrielles se grouperont en associations plus vastes de district, de province, etc... auxquelles se superposera finalement un Conseil Economique Général d'Empire. Wissel et Möllendorf ne touchaient point au principe de la "communauté du travail", c'est-à-dire de l'accord qui avait été conclu au mois de novembre 1918 entre les représentants du patronat et des Syndicats, et qui avait créé des organisations paritaires d'ouvriers et de patrons, chargées de régler les problèmes du travail. Ce principe devait toujours être respecté dans les nouvelles organisations professionnelles dont Wissel et Möllendorf envisageaient la création.

C'est à ces associations placées sous la surveillance de l'Etat que Rathenau entreprenait de confier le contrôle et la réglementation de la production dans le sens des intérêts de la collectivité.

La Planwirtschaft rencontra des adversaires à droite et à gauche. Au système de la production horizontale, la grande industrie métallurgique, avec Stinnes et les grands directeurs de trusts, opposait le système de la "production verticale". Il ne s'agissait plus de grouper en Associations des industries d'une même branche, mais d'unir à l'intérieur d'une même région toute une série d'industries, depuis celles qui extrayaient les matières premières, jusqu'à celle qui livrait le produit fini ou demi-fini. W. Rathenau mena contre Stinnes et les trusts une vive campagne. Il reprocha au système de la production verticale de transformer l'Allemagne "en Duchés économiques quelques potentats souverains exerceraient leur tyrannie." Défenseur des intérêts de l'A.E.G., W. Rathenau craignait que les industries du produit fini ne tombâssent finalement sous la dépendance complète des possesseurs de matières premières et de la grosse métallurgie.

Dans les rangs socialistes, la Planwirtschaft était considérée comme un mauvais compromis entre les droits de la collectivité et ceux de la propriété individuelle. On persistait à vouloir la socialisation, c'est-à-dire l' expropriation des particuliers par l'Etat et la gestion par l'Etat lui-même des grandes entreprises industrielles. W. Rathenau lutta sans relâche pour la Planwirtschaft, il la défendit contre les adversaires qui lui reprochaient de n'être qu'une continuation des méthodes de l'économie de guerre, du contrôle forcé, de la main mise de l'Etat sur les stocks de matières premières, sur le libre développement de l'activité industrielle et commerciale, etc... Aux socialistes trop pressés de socialiser, il montra l'inopportunité d'adopter, en un moment de crise économique, des méthodes radicales qui risquaient de diminuer ou même de paralyser la production, au lieu de l'augmenter comme il était nécessaire.

Dans le courant de l'année 1920, la question de la socialisation se posa avec une telle acuité, qu'on ne pouvait plus y répondre par des critiques purement négatives, il fallait chercher une solution. Walter Rathenau fit partie de la 2ième Commission de socialisation nommé au mois de mars 1920 qui remit à la fin de Juillet de la même année deux rapports sur la socialisation des mines. Le premier de ces rapports, inspiré par Kautschky et Hilferding, défend la thèse socialiste de la socialisation immédiate et intégrale des mines, le second est dû à W. Rathenau qui a essayé d'enlever au projet Kautschky-Hilferding ce qu'il avait de trop radical et menaçant pour l'avenir de la production minière. W. Rathenau ne veut point d'une socialisation globale et immédiate des mines. Il propose un délai de 30 ans pour effectuer cette socialisation et exproprier progressivement les entreprises, au fur et à mesure de leur perfectionnement. L'Etat ne peut point se charger d'une entreprise improductive, il ne peut socialiser qu'une entreprise dont le développement est suffisant pour assurer à la collectivité des bénéfices sérieux.

Walter Rathenau, loin de se fermer à toute idée de progrès, a étudié au jour le jour la situation sociale dans sa complexité. Il a essayé de mettre en application les théories qu'il avait énoncées, et de concilier les intérêts de la collectivité et ceux de l'individu. Comme membre du Conseil Economique d'Empire, il est toujours intervenu en faveur des solutions modérées, aussi éloignées des constructions impérialistes de son rival Stinnes que des mesures hatives de socialisation.

Au mois de Février 1921, il a fait partie de la Commission des experts chargée d'élaborer les fameuses propositions que M. Simons devait remettre à Londres. On a su depuis lors qu'il appréciait à environ 2 milliars de marks or les livraisons annuelles que l'Allemagne pouvait fournir. Mais ce sont là, comme il l'a reconnu lui-même des calculs purement théoriques. Lorsque l'Allemagne fut placée en face de la nécessité d'accepter ou de refuser l'ultimatum du 5 Mai, W. Rathenau se montra partisan d'une acceptation "conditionnelle". L'ultimatum tel qu'il avait été présenté par l'Entente lui paraissait inacceptable, en particulier la taxe de 26% sur les exportations lui semblait appelée à paralyser l'activité productrice de l'Allemagne au lieu de la favoriser. Il a publié en ce sens un article fort remarqué dans le Berliner Tageblatt.

Lorsque l'ultimatum fut accepté et qu'il fut appelé comme Ministre des Reconstructions du Cabinet Wirt à l'exécuter...

Le reste du document est manquant.

 

 

Version : 11.01.2005 - Contents : Marzina Bernez-Hesnard

Codewriter: Visual Basic Application - Programmed by : Marzina Bernez
Webdesign & Copyright : Marzina Bernez

URL http://bernard.hesnard.free.fr/Hesnard/Oswald/oHesnard67.html