Mercredi, 3 Avril 1918

Madame,

Avec tous ces évènements vous devez vous demander ce que je deviens; rassurez-vous je n’ai pas bougé de quartier, qui pour le moment est toujours assez calme et je ne demande pas à changer.

Depuis plusieurs jours nous ne recevons pas de courrier, aussi avec tous ces bombardements sur Paris, suis-je inquiet, j’attends impatiemment le vaguemestre qui m’apportera une petite lettre me donnant de bonnes nouvelles.

Dans le cas où vous vous décideriez à quitter la capitale, je vous renouvelle que la maison est toujours à votre disposition; je puis vous assurer que ma chère maman serait charmée de vous être agréable; je vous dirai même qu’elle a déjà tout prévu; inutile de vous dire qu’elle préférerait de beaucoup avoir votre bonne visite dans des circonstances un peu plus gaies.

Je vois sur le journal d’aujourd’hui que la classe 1909 va être appelée vers mi-avril, Monsieur Pierre doit commencer à faire son bagage, mais je lui souhaite de grand coeur qu’il ne fasse pas connaissance avec la guerre; je ne désire qu’une seule chose, c’est qu’il vienne me remplacer mais la guerre terminée. Si toutefois Mr Pierre était incorporé dans la région bretonne, chose toujours possible, peut-être se trouverait-il dans une garnison où j’ai des amis et qui seraient enchantés de lui être agréables.

Ma pauvre maman est depuis 11 jours sans nouvelles de moi et j’écris journellement, elle ne s’inquiète pas outre mesure sachant que les familles de mes amis de Régiment sont dans les mêmes conditions; je trouve que la censure exagère un peu.

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