Index Léon Bernard




Samedi, 6 Avril 1918



Chère Madame,



Avec quelle joie j’ai reçu ce matin votre bonne lettre du 29 que vous avez confiée à mon permissionnaire; pensez si j’étais inquiet, votre dernière lettre remontait au 19 et avec tous ces bombardements je n’étais pas rassuré, avec cela privé ou plutôt arrêt dans la correspondance, parfois les journeaux. Voyez si c’est agréable surtout en ligne; alors on se fait un tas d’idées et le tout se termine par une crise de cafard, rassurez-vous ce n’est pas une maladie très grave; rien qu’une bonne nouvelle vous remet instantanément.

Décidement nous n’avons pas de chance avec nos envois, mon colis est resté 3 semaines dans une baraque, dans quel état a-t-il pu vous parvenir. Quant à celui que vous avez eu l’amabilité de confier à mon envoyé il n’a voyagé que pendant 8 jours, le paquet était en très bon état, il est vrai que l’emballage a été fait d’une façon minutieuse, vous remercierez beaucoup Melle C. de ses fleurettes, elles ont peut-être un peu souffert du voyage, mais je les conserve bien précieusement et elles feront le pendant avec les fleurs que Madame B. m’a adressées le mois dernier, ce qui m’est pénible c’est de mettre ces gentils bouquets dans un humble gourbi (sous une voie de chemin de fer!) que voulez-vous, il faut se contenter de peu à la guerre.

...

Je vous remercie de l’amabilité avec laquelle vous avez accueilli mon 1er soldat, il en a été très touché; dès son arrivée, inutile de vous dire que je l’ai pressé de questions, il m’a donné des nouvelles excellentes de votre bonne famille et j’en ai été ravie; la conversation est naturellement venue sur ces bombardements je constate avec plaisir que vous n’avez pas peur du canon, c’est certes moins dangereux que les grosses bombes de gothas qui terrifient même les plus braves. Je me doute bien que vous passez de mauvais moments; toutefois le jour où vous vous déciderez à aller à Nantes, ne vous gênez pas, j’en serais désolé et ma mère également, car vraiment c’est un bien petit service à rendre à ses bons amis.

Je suis vraiment désolé que les permissions soient suspendues, car mon programme était tout tracé ...

Ma santé est toujours excellente, quant à mon secteur, il n’est pas trop embêtant, du moins jusqu’à présent; vous voyez que je suis toujours privilégié, c’est certainement grâce aux nombreuses prières dont je suis entouré; je vous en remercie de tout coeur.

Une nouvelle, hier je rencontre incidemment mon colonel, quant à mon grand étonnement il me dit: j’ai reçu une lettre du Commissionaire Gal de la Mission aux Etats-Unis qui vous réclame à Washington. Après avoir causé un instant il m’a dit qu’il avait répondu, qu’il n’y avait pas d’inconvénient, mais il a fait allusion à ma classe, il me trouve bien jeune, j’en suis très flatté...

Quant à la suite, je l’ignore! Partirai-je, partirai-je pas! Si oui, vous aurez ma visite peut-être prochainement?.!



A l’instant, je reçois une lettre de Madame B., toujours fort aimable, elle m’adresse une petite branche de rameau que je conserverai bien pieusement dans mon portefeuille. Melle C. n’est certainement pas étrangère à cet envoi, vous lui adresserez mes meilleurs compliments pour cette délicate attention.









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