L'amitié entre Marins naquit de l'adversité, des difficultés rencontrées en commun, du souci naturel qu'ils avaient de ne pas augmenter les périls de la mer.
Lorsqu'il était de leur devoir de se battre les uns contre les autres, chacun au nom de son Roi, ils le faisaient avec force et courage mais gardaient toujours le respect d'autrui et plus encore de ceux qu'ils avaient vaincus.
De grands corsaires, qui avaient semé la terreur sur toutes les mers, furent traités avec la plus grande considération par ceux-là-mêmes qui avaient eu la chance de les faire prisonniers.
Même la guerre ne pouvait les séparer, ni rompre cette amitié naturelle engendrée par la mer.
Le Ciel, bien plus encore, a contribué à l'union des Marins, parce que, depuis toujours, ils ont rêvé en regardant les étoiles. Virgile, le poète latin, n'a-t-il pas écrit:
"Navita tum stellis numeros et nomina fecit..."
"Alors, le Marin compta
les étoiles et leur donna des noms..."
Les terriens les plus savants, tel le fameux Jean BOURRE dont nous avons visité hier le château, s'appliquaient à l'Astrologie, faisant appel à leur imagination, souvent féconde, dans un but malheureusement intéressé. Ne voulaient-ils pas découvrir la formule de la pierre philosophale, c'est-à-dire le moyen de fabriquer de l'Or?
Les Marins font d'autres rêves en regardant les étoiles. C'est l'Astronomie qui suscite leur imagination. Ils ont commencé par nommer les étoiles, puis les constellations, ont imaginé des figures aussi nombreuses qu'originales, et c'est ainsi que depuis de nombreux siècles, ils regardent la Grande Ourse, le Cygne, l'Aigle, le Lion, Andromède enchainée que Persée vient délivrer, la Balance, la Girafe, la Lyre et le Scorpion.
Ils écoutent le chant des étoiles et les leçons que leurs anciens ont su en tirer. En voici quelques unes:
"Etoiles perdant leur clarté dans nuage,
Signe d'orage."
"Polaire bien nette,
Commandant sans façon,
Jolie femme muette,
Tout çà c'est bon."
"Quand la Voie Lactée est Norois-Suète,
Cherche un bon port, si tu le peux,
Quand la Voie
Lactée est Nordé-Suroît,
Fais route, si tu le veux."
L'observation des astres devait, aussi, permettre aux Marins de répondre à l'angoissante question que se pose tout navigateur dès qu'il a perdu de vue les côtes:
"Où donc est mon navire?"
Et bien, avant d'avoir trouvé, à l'aide d'instruments et de calculs, la juste réponse à cette question, ils calmaient leur angoisse en interrogeant le Ciel de leurs seuls yeux.
Or ce Ciel, ces étoiles, ce magnifique ensemble qui brille dans les nuits claires, ignorent nos frontières humaines.
Comment les Marins auraient-ils pu songer à se partager les étoiles? Leur rêve n'a jamais connu de limites. Tous ont toutes les étoiles. N'est-ce-pas là un incomparable héritage familial?
Et nous qui sommes réunis, entre Frères, venus de deux petits coins de la Terre, nous avons ensemble tout le Ciel avec lequel rêver.
Version : 15.01.2008 - Contents : Martine Bernard-Hesnard
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