Me suis servi, naguère, pour ouvrir la séance,
et rendre à l'Amiral l'éclat de nos honneurs.
Ses pages m'ont aidé à chanter les grandeurs
De la Mer, des Marins , bref de la Marine.
Et me plaise à chercher la forme alexandrine,
Avec la complaisance de la lyre poétique.
On vienne m'accuser du péché d'impudence.
Une mère qui vient d'une marche lointaine,
M'ont permis de chanter, par les monts et les bois,
Que suis d'un sang breton et lorrain à la fois.
A courir au plus près et à tribord l'amure,
Aussi souvent, du moins, que la mer le fait roi,
De parfums, de tendresses, qui le laissent en émoi,
Et du silence nacré de la mer sous la lune,
Des embruns de soleil qui jaillissent à la hune.
La vague qui s'enroule où filent les dauphins,
Le vol de l'albatros au plus loin des rivages,
Le Ciel et les étoiles où se guidèrent les mages,
Avec bons pain et vin, font la joie des marins.
Qu'il est aussi pour eux des éclipses au bonheur,
Et qu'il leur faut connaître le travail et la peine,
Même si ce n'est plus temps de chasser la baleine.
Il faut bien affronter la tempête et la bise.
La mer n'a rien, souvent d'une fille soumise,
Quand elle est si violente que l'équipage prie
La Madone et Sainte Anne, les Saints du Paradis,
D'apaiser sa colère, et que cesse le roulis
L'Enfer leur destine la cruauté des jours,
Où le mécanicien, dévoué à sa chaffuste,
Ecarté à jamais des joies de la flibuste,
Où l'électronicien, devenu radariste,
Rivé à son écran dans le noir le plus triste,
Où notre maître-coq, esclave à son fourneau,
Réduit pour le menu, au seul sauté de veau,
Se révoltent, en criant qu'enfin cela finisse.
Si les coeurs des marins demeurent à l'unisson,
Pour la mer, à chacun sa bénédiction.
Les uns sont dans la gloire qui arment nos escadres,
Les autres sont au port où ils sont nécessaires,
Même si, plus anciens, ils sont rayés des cadres.
La Marine a toujours voulu des volontaires.
Est une maille dans la chaîne pour la mer qui est Une.
La mer est sans limites, car le ciel et la terre
Lui servent de décor, mais non point de frontières.
Refusant tout partage, marquent son unité.
D'elle est venue la vie, et la conquête, un jour,
De la terre minérale où elle porta l'amour.
A rendre cet amour, du marin la passion,
Pour le bien du service exaltant son ardeur,
Lui fait joie d'accomplir ce qui est sa mission.
A nous qui de la mer reçumes le baptême
Le vent et les embruns tenant lieu de Saint Chrême,
Il nous fallait un lien, il nous fallait un signe,
Une marque, un blason, de marin qui fût digne.
Non point l'aigle d'airain qui orna certain casque
Et dont l'envol terrible confondit l'assassin,
Ni l'emblême armorié de quelque suzerain
Ou d'un vieux dieu païn, l'étrange de son masque.
Qui de notre attachement vient rendre témoignage
Comme aux armes nantaises le fait si bien la nef,
De l'amour de la mer, qui est notre héritage.
Et qu'il faut, bien plutôt, parler d'appareillage.
Il est temps qu'à la fête, nous portions nos élans
Et qu'au buffet promis montions à l'abordage.
Nous n'aurons pour cela, ni contrainte, ni loi,
A chacun je dirai qu'il se prenne cousine,
Et crierai, comme jadis on le faisait en Chine,
Aux Postes de Combat, Messieurs, et pour le Roi !