Soirée de la Marine, Nantes

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Amiral,

L'usage est établi d'ouvrir notre SOIREE DE LA MARINE par une adresse à l'Amiral.

C'est la quinzième fois que l'honneur m'échoit d'envoyer le salut, mais c'est aussi la dernière fois car, l'an prochain, j'aurai transmis la garde.

Le ton de mes adresses fut souvent très sérieux, trop peut-être, au goût des auditeurs, mais j'ai parfois pris la liberté d'une fantaisie que vous aurez la bonté de ne pas refuser à mon dernier message.

Le Vaisseau Amiral, dans la vieille manière,
Hissait à son grand mât, au-dessus de ses voiles,
Pavillon "quarré blanc", flottant comme bannière.
Ainsi chacun savait où porter son hommage.
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L'usage est demeuré d'inviter l'équipage
A rendre les honneurs qui sont dus aux étoiles.
Nous n'y faillirons pas, puisque la tradition,
De mémoire de marin , est presque religion.
Accueillez,Amiral, la manifestation
De la joie éprouvée en hissant votre marque,
Mais accordez pitié à notre pauvre barque.
Nous n'avons pour saluer la moindre batterie,
Ni le bruit du canon, ni l'accent du clairon.
Accordez-nous, dès lors, un peu de fantaisie
Et ne vous fâchez pas de la forme mutine
De l'hymne que je veux dédier à la Marine.
Ce n'est là, je l'avoue, que bien piètre chanson,
Mais nos coeurs pour chanter sont tous à l'unisson.
La mer qui nous unit, fut dès nos premiers rêves,
Un monde mystérieux, un pays des merveilles.
Tout y est fascinant, jusqu'au fameux rayon
Qui le soir, au couchant, verdit sur l'horizon,
Les vagues qui s'enroulent en filant sur les grèves,
Les broderies d'embruns à nulles autres pareilles,
Le bleu profond des nuits sous un ciel étoilé,
La houle qui scintille d'un éclat argenté,
Les ballets des dauphins, les sirènes enchantées,
La grâce des oiseaux du large et des rivages,
Les îles inconnues aux milles fleurs parfumées,
Le sillage doré d'une vieille caravelle,
La palette infinie de tant de paysages,
Tout est vie dans la mer qui, toujours, est nouvelle.
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Mais il faut un envers, quelle que soit la médaille.
Si la mer au marin accorde sa tendresse,
Elle n'est pas, chaque jour, sa docile maîtresse.
L'envie lui prend, hélas, de chercher la chamaille.
Est-ce le fruit pernicieux d'une folle jalousie?
Elle sait, en un instant, devenir la furie,
Faire souffler le vent, se lever la tempête,
Cacher d'un banc de brume le récif assassin,
Ameuter les périls, comme diables à sa requête,
La banquise, les courants, le cyclone ou l'orage,
Tout est bon pour la mer quand elle veut un naufrage
Et va jusqu'à prier qu'il y ait du requin.
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Je dois vous dire un mot de la navigation
Mais je me garderai de tout calcul nautique
Et ne vous conterai d'histoires sans façon.
Dans un état-major, enfoui sous le béton,
Une grande carte au mur figurait l'Atlantique,
Le rôle était échu à jolie Marinette
De monter au tableau, envolant sa jupette,
Pour marquer des navires la juste position,
Du mieux qu'elle le pouvait, juchée sur l'escabelle.
Contemplant, ébloui, les genoux de la belle,
L' Amiral s'écria, pris d'un soudain remords,
"J'aurais dû faire passer le convoi plus au Nord."
Vous savez l'aventure qui m'advint en ces lieux
Quand je parlais de l'astre, si brillant dans les cieux.
Le sourcil se fronça d'une aimable comtesse
Qui croyait qu'à Vénus, je caressais la fesse.
Pour m'accuser ainsi d'une coupable envie,
La pauvre ne savait que peu d'astronomie.
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A dire la vérité la déesse païenne
Ne consent au marin, comme seule latitude,
Que prendre au sextant sa hauteur méridienne.
Avouez que la mesure est caresse peu rude.
Mais Vénus est amour et se fait la complice
De notre quête du ciel d'une étoile propice,
Nous épargnant les cris de sa rage amoureuse
Si la belle Andromède offre sa nébuleuse.
Pour finir ce couplet à travers les étoiles,
Je dirai mon regret des méthodes nouvelles
En honneur aujourd'hui sur les navires sans voiles
Autrefois vénéré, devenu insolite,
Le sextant a cédé à quelque satellite
Le soin de faire le point, sur trop de passerelles.
 
Je ne veux, pour autant, verser dans la paresse
Et dire que passé s'accorde avec sagesse.
Il ne peut plus suffire d'avoir force et courage,
De savoir la manoeuvre ou les arts du voyage,
Et d'avoir bien appris la thermodynamique.
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Je n'ai pas oublié qu'à l'ère électronique
Le marin doit montrer une plus large science.
Il lui faut sans relâche, apprendre avec patience,
La magie des consoles, des boutons, des circuits.
Mais quelle que soit l'humeur de la mer éternelle,
Qu'elle se mette en furie ou se fasse toute belle,
Il nous reste le rêve où je vous ai conduits.

 

 

Version : 25.01.2008 - Contents : Martine Bernard-Hesnard

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