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E.V. BERNARD.
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Le séjour du RBFM en Angleterre.- L'Entrainement.-

 

C'est par petits paquets que le RBFM a gagné l'Angleterre et la traversée du Maroc à la Vieille Albion s'est échelonnée sur plus d'un mois et demi.- Les récits de traversée sur les L S T, les Liberty-Ships, les Transferts de troupes rempliraient un volume, d'autant que le mélange des armes de la Division à bord de tous ces bateaux était cause de situations parfois cocasses. Pour nous marins, nous nous en amusions, mais ce n'était pas du tout l'avis de nos camarades de l'armée, surtout les Nord-africains - Indigènes ou non - qui quittaient pour la première fois leur terre natale.-

C'est apparemment par le plus grand des miracles, que tout le régiment s'est retrouvé, j'allais dire un beau jour, il faut plutôt dire un vilain jour du début de juin à Hedmere, petit village anglais à quelques 50 kilomètres de Hull, dans l'East Yorkshire.- Une grande prairie nous servait de camps. Bien alignés, des tentes "marabout" anglaises, pourvues de plancher nous servaient de logements - Nos véhicules étaient sagement alignés par escadrons et par pelotons derrière une belle rangée d'arbres et si notre ciel n'avait été sillonné le soir d'avions partant bombarder l'Europe occupée, nous nous serions cru en camping de plaisance.

On ne saurait se faire une image exacte du camp de Hedmere sans évoquer la pluie qui le transformait trop souvent en océan de boue, ni la longueur des jours dûe à la triple association de l'approche de l'équinoxe, de la double heure d'été et de la latitude. Il ne faisait jamais complètement nuit et on y voyait encore très clair à onze heures du soir. Ce phénomène pourtant bien naturel nous gênait tous car nous avions beaucoup de peine à aller nous coucher et que le lendemain matin le réveil n'en était pas retardé pour cela.-

Notre temps, nous le consacrions presque entièrement à l'entraînement. En effet, nous en étions sur ce chapitre, je ne dirais pas à zéro, mais presque, car en Afrique du Nord, si nous avions pu nous habituer à la pratique du terrain et si nous avions appris à nous servir des armes américaines, nous n'avions pas eu le temps de nous entraîner avec l'ensemble de notre matériel. Pour la première fois nous avions à combiner logiquement les marches de nos chars, de nos A.M. et de nos jeeps. Nous n'avions pratiquement pas d'instructeurs de détail et nous avons vraiment été des autodidactes en la matière. Pas complètement toutefois, car nous avons bénéficié des conseils éclairés d'un chef de grande classe, le chef d'escadron de La Herie, qui devait malheureusement être tué en Lorraine (comme Lt. C1).-

Ainsi nous partions chaque matin, généralement peloton par peloton, pour nous égayer dans la verte campagne. La région dans laquelle nous étions cantonnés était entièrement réservée à l'entrainement de la Division, et nous avions le droit de pénétrer avec nos véhicules, chars compris, dans tous les champs, taillis, ou cultures que nous voulions à l'exception, rare d'ailleurs, de terrains clos et balisés de tôles en forme de carreaux rouges élevés au bout d'une perche.-

Ces promenades dans la campagne, lorsqu'il ne pleuvait pas trop étaient vraiment délicieuses; le pays vert du Yorkshire avec ses vallons, ses bois, ses petites routes sinueuses est plein de charme; c'est également l'avis des lapins, perdrix, faisans, lièvres et autres gibiers qui n'y étant pratiquement pas chassés y foisonnent littéralement. Je ne crois pas exagérer en disant avoir vu, en compagnie du Lieutenant de Vaisseau Guillon, au cours d'une reconnaissance de terrain, plusieurs centaines de lapins s'enfuyant à notre approche vers leurs terriers; ils étaient si nombreux qu'on eut dit un envol d'oiseaux. Une autre fois, un couple de perdrix a regardé à moins de dix mètres, et sans crainte apparente, défiler tout mon peloton; que deux oiseaux puissent contempler sans se sauver quatre chars de 30 tonnes qui font tout de même un certain bruit, je crois bien que c'est une chose qu'on ne verrait pas en France.- La chasse de tout ce gibier était interdite mais la peur des amendes n'a pas empêché nos Jean Gouin de tendre collets et autres engins et au bout de trois semaines ils étaient tous dégoûtés du lapin.-

Evidemment nous n'avions pas qu'à regarder lapins et perdrix; il fallait nous initier à la manoeuvre de nos engins; et cela n'allait pas toujours tout seul, surtout que dans ce terrain très vallonné on ne voit pas loin et que nous n'avions pas le droit de faire usage de nos postes radios.- Ces premiers pas que nous faisions ont donné lieu à quelques aventures amusantes, mais grâce au flair de nos chefs de véhicules n'ont pas trop tourné à la pagaye. D'ailleurs nous apprenions tous notre métier et nous ne prétendions nullement devenir en 3 semaines des seigneurs de la guerre.- Chacun de nous se forgeait petit à petit sa doctrine; on en discutait entre nous et à la longue tout s'assouplissait et on s'approchait de l'idéal: Agir uniquement par réflexes.-

En dehors de ces exercices en campagne, nous avions aussi à travailler au camp sur une foule de petites choses théoriques et ennuyeuses mais qu'il n'en fallait pas moins savoir comme notre alphabet. Codes de signaux, exercices de pointage, procédure radio, conférences, ainsi que l'entretien de nos engins, tels étaient les rubriques qui revenaient le plus souvent sur les tableaux de travail.

Enfin il y avait les tirs, avec les canons des chars; nous allions pour cela assez loin de Hedmere dans un grand camp de tir situé près du cap de Flamborough Head. Les Anglais avaient remarquablement aménagé ces terrains: des silhouettes représentant des chars se déplaçaient à une vitesse convenable à environ 1.000 mètres devant nos pièces et toute la journée nous faisions du bruit. Les officiers d'artillerie britanniques, présents à la scène, nous abrutissaient de mille petits conseils de détail dont nous ne tenions d'ailleurs aucun compte car nous avions parmi nous suffisamment de canonniers de la marine pour savoir jongler avec les hausses et les dérives.-

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Ces déplacements relativement longs vers les champs de tir nous faisaient faire de profitables exercices de convois sur route; nous devions nous apercevoir quelques semaines plus tard en Normandie de l'importance d'un tel entraînement.

Et les jours passaient calmement: le soir quelques uns se promenaient aux environs mais c'était surtout le samedi soir et le dimanche que nous prenions du repos.- Hull, Searborough, Bridlington, Driffield et toutes les petites villes des environs reçurent la visite des marins français en kaki, tout heureux de se promener librement et sans gêne, habitués qu'ils étaient à déceler les ressources d'une ville étrangère - Ils étaient d'ailleurs parfaitement accueillis par toute la population anglaises, très affable par nature. Une exception toutefois à signaler: dans un petit village où siégeait un escadron de réparation, une famille acariâtre ne pouvait cacher son antipathie pour les Français; le hasard a voulu qu'un tank-destroyer du RBFM, pour éviter un accident grave, entra dans la maisons de ces "méchants" et surgisse au milieu de leur salle à manger juste à l'heure du thé; je ne sais si depuis ils ont changé d'avis sur les français? -

Vers le milieu de Juillet nous étions à peu près entrainés et le leitmotiv des conversations devînt notre départ pour la France. L'impatience commençait à nous ronger quand vers la fin du mois nous commençâmes à faire mouvement vers le Sud. L'opération se passa en deux temps, d'abord tous les véhicules à roues du régiment en une interminable colonne divisée en plusieurs rames, puis en deux convois disctincts tous les chasseurs de chars sur porte-chars. J'étais du dernier convoi et c'est avec une vingtaine de chars que j'ai traversé l'Angleterre de Hedmere aux environs de Southampton. Point n'est besoin de dire que nous recevions un accueil enthousiaste dans toutes les villes que nous traversions. L'Angleterre en guerre saluait ceux qu'elle savait partir au combat et nous répondions à son salut avec d'autant plus d'enthousiasme que nous avions longtemps rongé notre frein - Jeep Arc_en_Ciel

Puis une autre fois, comme par hasard tout le régiment fut regroupé dans un camp d'attente, un "staging area" à quelques milles au Nord de Weymouth. Le camp était camouflé sous un bois: les plus grandes précautions de camouflages étaient prises - Hativement nous nous absorbions dans les derniers préparatifs; nous touchions sans aucune difficulté tout ce qui nous manquait encore: habillement, matériel de campagne, vivres de réserves et même, oh vexation pour des marins, des pilules contre le mal de mer et des sacs en papier à utiliser en cas d'inefficience des pilules.- Le personnel du camp nous traitait pratiquement comme des condamnés à mort. Toutes les occasions étaient bonnes pour nous gaver de nourriture, de cigarettes, et de bonbons.-

Au bout de quelques jours, nous étions fin prêts et en colonne nous prenions la route de Weymouth où nous attendaient les transports qui devaient nous conduire en France.-

 

Version : 03.12.2007 - Contents : Martine Bernard-Hesnard

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