Lettre à son père
Dakar, 19 février 1940
(annotation au crayon: Lire 1941)
Chers Parents,
Rien de nouveau à Dakar. Les jours s’écoulent rapidement et sans ennui
grâce à la variété de nos occupations. Un jour, c’est une appréciation d’école à feu,
un autre des travaux de télémétrie ; une autre fois on change une
pièce à un canon, ou on met à l’eau des embarcations. On fait des
exercices de signaux, de conduite de tir, de projecteurs.
Le lendemain on essaie les norias, ou vérifie les vannes
de noyage. Puis on va trouver les chefs d’état-major, des commandants d’unités pour leur
porter un pli, leur demander un renseignement. En plus de cela, toutes les manoeuvres
d’appareillage, de mouillage et la vieille navigation des
familles. Tout ceci à un rythme accéléré.
Au carré, on ne s’ennuie pas non plus. Chaque membre acquiert sa petite originalité. On blague
un tel pour une mésaventure récente, un autre présente un nouveau disque ou raconte la dernière.
Bref il y règne toujours une ambiance très gaie.
Ma santé est excellente. Aucune trace de maladie coloniale. D’ailleurs la salubrité
de Dakar est acceptable maintenant. Depuis le mois de septembre,
nous n’avons eu à bord que 5 ou 6 cas de paludisme sur 147 hommes. Ceci n’est
rien, d’autant plus que des quantités de coloniaux ont eu des accès de paludisme
sans en garder de traces.
Je ne puis toujours pas vous parler de mes sorties par lettre. Jusqu’ici nous n’avons rien fait
de sensationnel, mais je pense ou du moins j’espère que cela va bientôt changer. Il ne faut pas
trop se plaindre en ce moment.
Quoi de neuf à Nantes ? D’après les informations, il ne fait guère chaud
actuellement en France. J’espère que vous avez du charbon
ou du bois pour vous chauffer, car ce n’est pas partout le cas.
J’ai vu Poitevin (s/m sur l’Archimède) et
Bot (mécanicien sur le Sidi-Ferruch). Tous deux sont en bonne
santé. Je leur ai donné l’adresse de Scotto, Ambrosino et Pugliese pour qu’ils
puissent t’envoyer des lettres.
Si Georges n’a pas changé de bateau,
j’espère le voir dans un mois ou deux. Peut-être son bateau est-il déjà à Casablanca.
Ci-joint deux lettres destinées à être expédiées. Si possible, confiez la lettre de
Madame Grincourt à une personne allant à Angers. (Madame
Grincourt est la femme de notre président de carré, le L.V. Grincourt
). D’ailleurs le père de Madame Grincourt vient souvent à Nantes.
Il pourra entrer en liaison avec vous.
J’ai bien reçu votre carte du 6/2, m’apprenant que tante Richeux a été opérée. J’espère que ce n’est
pas grave et qu’elle est déjà rétablie.
Pour les effets de Delin, je ne me souviens pas si je vous ai dit que son
papier était correct sauf pour la gabardine qu’il a oublié. Mais peut-être l’a-t-il vendue et je ne
puis guère lui en vouloir. D’ailleurs, ce n’est pas d’une grosse importance.
J’espère que vous étalez gaillardement les rigueurs de l’hiver et que la
grippe ne s’est pas trop fait sentir.
Toute la famille Beaussart vient de l’avoir malgré le soleil radieux du
Sénégal. Mais ici on devient rapidement très sensible au moindre changement de
température et on n’est pas aguerri comme en France.
Je vous envoie mes plus affectueux baisers,
votre fils, Paul
Version : 20.06.2005 - Contents : Martine Bernard-Hesnard
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