Nécrologie

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Portrait
Angelo HESNARD
par le Dr G.A. Bloch
C'est à la séance d'ouverture du Colloque de Psychiatrie et Caractérologie, au matin du 19 avril 1969, à Monte-Carlo, que j'ai appris, par l'allocation inaugurale du professeur Mucchielli, la fin de mon maître et ami, le docteur Angelo Hesnard, qui venait de s'éteindre quarante-huit heures auparavant.
Avec lui disparait l'un der premiers pionniers de la Psychanalyse dans notre pays et aussi l'un des penseurs ayant le plus contribué à sa diffusion en France ainsi qu'à son enrichissante évolution.
Son activité dans ce sens s'était manifestée déjà avec ampleur dès avant la première guerre mondiale. Pour dire un mot de cette époque héroïque de la Psychanalyse, c'est en 1914 que parut la première édition du livre de Regis et Hesnard: "La Psychanalye des Névroses et des Psychoses; ses applications médicales et extra-médicales". Après la guerre, vers 1923, une société française fut alors constituée, honorée de la protection du professeur Henri Claude, pour centraliser les efforts de diffusion et de contrôle du mouvement psychanalytique. Cette Société, dite de l'Evolution Psychiatrique, fut alors fondée par Mmes Codet et Minkowska, et MM. A. Allendy, Borel, Cellier, Codet, Hesnard, Laforgue, Minkowski, Pichon, G. Robin, R. de Saussure, P. Schiff.
Ce fut un échec pour les psychanalystes pratiquants.
Cet échec, en les unissant, aboutit, en 1926, à la fondation de la Société Psychanalytique de Paris, affiliée à la Société Internationale de Psychanalyse. Les membres fondateurs en étaient: Mmes Marie Bonaparte et Sokolnicka, les docteurs Allendy, Borel, Codet, Hesnard, Laforgue, Odier, Parcheminey, Pichon, de Saussure.
La Société Psychanalytique de Paris, qu'il avait contribué à fonder et dont il fut Président, il devait, après la deuxième guerre mondiale, en démissionner pour fonder, avec quelques autres "dissidents", la Société Française de Psychanalyse, dont il fut également le Président.
Sa formation de départ ne semblait pourtant pas annoncer une carrière d'analyste puisque, né le 22 Mai 1886, à Pontivy (Morbihan), il entrait en 1905 à l'Ecole Principale du Service de Santé de la Marine, à Bordeaux. Il a fait, comme médecin de la Marine, une longue carrière terminée avec le grade de Médecin Général. Neuropsychiatre, il fut professeur de clinique des Maladies Nerveuses à l'Ecole d'Application du Service de Santé de la Marine.
Ses dons de psychologue, sa fine intuition des mécanismes de la pensée, lui permirent tout au long de sa vie une intense activité intellectuelle consacrée à la Psychanalyse.
Tout en restant fondamentalement freudien, il a su cependant éviter l'orthodoxie stérile et le "danger" de "l'idée fixe" en prolongeant les idées freudiennes jusqu'à les harmoniser avec d'autres courants actuels de la psychologie moderne.
L'oeuvre qu'il laisse est immense, non seulement par le très grand nombre de livres qu'il a écrits et d'innombrables articles et publications, mais par la diversité et la profondeur de ses travaux. Ses recherches partant des théories freudiennes, mais dans une position philosophique ouverte, pénètrent des domaines très divers, de la phénoménologie au behaviorisme dialectique, la sociologie, la linguistique. Etudiant les conceptions psychologiques contemporaines, il s'est attaché, depuis la fin de la dernière guerre, à en rechercher les possibles applications à la psychologie freudienne. Convaincu de l'importance de la culpabilité endogène dans la structure du Comportement, il décrit et définit l'efficience de cette culpabilité:
"Une quantité d'individus n'ont jamais le "sentiment" d'être coupables, alors qu'ils se comprotent constamment dans la vie comme s'ils l'étaient gravement. La culpabilité se présente donc comme un comportement fondamental, parfaitement immotivé, se déroulant en sourdine et en dehors de toute connaissance de sa véritable signification. Et son inexplicabilité, son allure d'énigme provient, non pas de ce qu'il est inaccessible à la compréhension scientifique, mais seulement de ce que sa signification est inaccessible à la psychologie introspectionniste. D'où l'absurdité du "sentiment inconscient" de culpabilité. La culpabilité fondamentale dont nous parlons, d'origine endogène et ignorée le plus souvent entièrement du sujet, est plus qu'un événement intérieur agi et vécu par lui: c'est une structure complexe, non de forces impulsives hypothétiques ou métaphoriques, mais d'actions, de conduites révélant l'une des nécessités profondes de la condition humaine"
("L'Univers Morbide de la Faute", P.U.F., 1949)
Partant de ses conceptions sur les rapports de la psychiatrie et de la morale, "branche de la philosophie", Hesnard fut amené à étudier longuement la psychologie du criminel. Son ouvrage "Psychologie du Crime" (Payot, 1964) fut couronné par l'Institut.
Il est impossible de mentionner ici toute l'oeuvre de Hesnard. Les seuls principaux titres sont plus d'une vingtaine, dont les plus connus s'appellent: "Freud dans la Société d'après-guerre" (Ed. Du Mont-Blanc, 1947), "L'Univers Morbide de la Faute", (P.U.F., 1949), "Morale sans Péché" (P.U.F., 1949), "Psychanalyse du Lien Interhumain", (P.U.F., 1957), "L'oeuvre de Freud et son importance pour le Monde Moderne" (Payot, Paris, 1960), etc.
Le Dr Hesnard a longtemps vécu à Toulon, au Mourillon, où il travaillait dans sa petite maison accrochée à flanc de falaise, dominant la mer. Il avait toujours dit qu'il désirait y finir ses jours, mais, inexplicablement, il voulut un jour en partir.
Port-Hesnard, photo:
Henriette Hesnard
Ce fut alors que sa santé commença à décliner. Fort heureusement, il avait auprès de lui son inséparable compagne de toujours, l'admirable et souriante Mme Hesnard, qui avait su conquérir les participants des Congrès de Psychiatrie par la note amicale et familière qu'apportait sa présence dans l'environnement de manifestations mondaines qui accompagnent ces rencontres internationales sans fantaisie.
Henriette Hesnard
Les deux filles qu'il laisse sont mariées, ont beaucoup d'enfants; leur tendresse lui a été précieuse pendant sa longue maladie.
Mme Hesnard, jusqu'au bout, est demeurée auprès de lui.
C'est en lui tenant la main qu'il s'est éteint, le 17 avril 1969, au petit matin, à Rochefort-sur-Mer, Charente Maritime.

 

 

Version : 21.12.2005 - Contents : Martine Bernard-Hesnard

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