Notes dictées par O. Hesnard
quelques mois avant sa mort

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Professeur Oswald Hesnard
L'histoire des relations franco-allemandes après la guerre n'a pas été décrite et ne le sera pas de sitôt. Quelques militaires et diplomates (ayant fait l'occupation) ont certainement écrit des piles de rapports; quelques-uns ont publié des souvenirs. Ils tendent généralement à prouver que sous leur ferme et vigilante administration les populations occupées vécurent dans la paix et la satisfaction. La sagesse (toujours ferme) des autorités françaises, la courtoisie et la gentillesse de nos soldats avaient vite fait la conquête d'un public foncièrement hostile à la Prusse, militariste, bolchevisante, etc... La conclusion, plus ou moins nettement exprimée de ces considérations séduisit encore à des années de distance de nombreux français qui avaient rêvé d'une république rhénane.

Quant au véritable état de l'Allemagne, après 1919, il a donné lieu à des descriptions qui, presque toutes, ont été caricaturales. Il fallait aux journaux des récits ayant toujours quelque valeur d'émotion, un correspondant se fut discrédité par des esquisses sincères. Il n'était pas là pour peser le pour et le contre, mais pour envoyer un papier intéressant. Les tendances des envoyés spéciaux étaient en général identiques. Il s'agissait d'assembler en trois semaines la substance d'un bouquin. Il fallait faire vite. On empruntait un matériel courant aux commissions militaires et civiles. On entassait des chiffres, des statistiques. On réussissait à prouver que les gouvernants allemands aidés de la grande industrie "faisaient exprès" de pulvériser le mark pour ne pas payer de réparations, que la collusion germano-russe était parfaite, que le réarmement du pays s'opérait sur un rythme accéléré, etc..., pour le reste, on affirmait qu'un désordre fou régnait dans le pays, qu'une immoralité sans nom s'y étalait, que la jeunesse était gangrénée, perdue de vices. Personne ne se chargeait d'expliquer comment dans ces conditions on la voyait sportive et militariste. Dans le même temps, on dépréciait et on exaltait. L'important était de faire sensation, à n'importe quel prix. Les quelques hommes politiques, qui, armés de leur seule raison raisonnante, commencèrent après l'aventure de la Ruhr à souhaiter un commencement d'explication loyale avec l'Allemagne, furent tragiquement gênés par les tenaces préventions que toutes ces littératures avaient laissées dans l'opinion.

 

Il n'est pas question pour moi d'écrire un premier essai historique, relatif à cette trouble période; l'historien qui abordera une pareille tâche devra faire usage de documents de double provenance. Il lui faudra en outre avoir l'esprit assez haut pour ne pas reculer devant de pénibles examens de conscience; le savoir ne saurait y suffire, il faut une morale aussi sûre qu'exigeante. Mon dessein ne va pas si haut, il est d'apporter au dossier quelques expériences vécues; je les rapporterai sans consulter un seul document, sans rouvrir un carnet de notes; l'humain, le personnel seront mon seul objet.

Ce que j'ai vu et entendu, pendant ces années d'après-guerre aidera peut-être à comprendre en partie les événements qui nous ont tant surpris depuis la poussée nationale-socialiste; il est vain de vouloir l'expliquer par des contagions d'ordre idéologique. Il est inutile de rechercher dans les oeuvres de pangermanistes, de racistes, etc... les origines de l'hitlérisme. On perd son temps à rechercher dans des textes philosophiques la préface du fâtras accumulé par Monsieur Rosenberg. Quelques vues prises sur l'Allemagne pendant les années de trouble et d'indécision serviront peut-être un peu mieux notre besoin de comprendre.

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Mars 1919: Munich

 

 

Version : 09.12.2004 - Contents : Marzina Bernez-Hesnard

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