E.V. BERNARD. ============= |
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Le passage des Vosges - vu à l'arrière.- |
Le 22 Novembre, venant de Paris, j'atteignais le P.C. du R.B.F.M. au petit village de Harbeney, en Lorraine - La pluie qui tombait inlassablement avait transformé la région en un véritable océan de boue; le village lui-même paraissait désert au nouvel arrivant, de nombreuses maisons étaient démolies, pratiquement toutes étaient délabrées, car ce malheureux hameau avait été soumis à un tir violent de l'artillerie américaine -
C'est dans ce cadre sinistre que je retrouvais les camarades quittés trois mois auparavant. Au P.C. du régiment sur de grandes cartes d'état-major, on me montra les points atteints par les éléments les plus avancés de la division.-
D'heure en heure, les messages nous apportaient la nouvelle d'une avance notable et nous rongions tous notre frein d'être si loin derrière; à notre désir d'être avec nos camarades de l'avant se mêlait une inquiétude que nous gardions pour nous, mais qui n'en était pas moins profonde - Au soir du 22, nous savions que les Vosges étaient franchies; le lendemain matin nous recevions le fameux message du Lt. C1 Rouvillois annonçant son entrée dans Strasbourg.-
C'est vers midi, le 13, que je quittai Harbeney, dans le command-car du Commandant. Un premier bond nous mène à Cirey-sur-Vezeuze, plaque tournante où siège l'état-major de la division et d'où s'élancent les colonnes de ravitaillement vers les Vosges; de ci de là, on aperçoit retournés dans les fossés et même parfois intacts sur les places du village les canons antichars pris à l'ennemi et dont la plupart sont d'excellents 75 PAK.-
Puis nous prenons la route de Dabo, c'est d'abord une montée lente sur une petite route de montagne encombrée de chars, half-tracks, jeeps français et américains.- Le moindre accident de terrain retarde tout ce beau monde et c'est à grand peine que nous avançons.- Des voitures venant de l'avant nous disent que les boches s'amusent à bombarder certains points de la route et que quelques kilomètres plus loin une voiture vient d'être atteinte par un obus.- Il s'agit d'unités allemandes qui se sont réfugiées dans la montagne et qui vident leurs caissons; ils sont attaqués par quelques unités de nettoyage car il est urgent que les colonnes de ravitaillement puissent passer sans encombre.
Et nous avançons toujours, il est maintenant 15 heures et la nuit commence à tomber; nous sommes dans une forêt qui mériterait de s'appeler noire; la route est on ne peut plus sinueuse et tourmentée, par moments nous rencontrons ces fameuses défenses de "Vogesen Stellung" que nous sommes obligés d'admirer; de véritables murs faits de gros sapins accolés et profondément enfouis dans le sol barrent littéralement la route et ses côtés sur une largeur de plusieurs centaines de mètres. Ils sont disposés de telle sorte qu'il est absolument impossible à un véhicule quelconque de les contourner; une seule voie s'ouvre aux chars: la route; point n'est besoin de dire qu'elle devait être défendue; et pourtant tous ces barrages ont été forcés et cela dans un temps record. J'avoue que je n'aurais pas cru cela possible; mais la magnifique cohésion des chars et de l'Infanterie de la Division a bouleversé mes idées sur la question.- Ce mea culpa, je le fais d'ailleurs avec le sourire à la vue des restes des colonnes allemandes qui gisent dans les fossés; les chevaux morts, les affûts, les carrioles de tout genre gisent pêle-mêle de chaque côté de la route où les chars et les bull-dozers les ont rejetés en hâte pour permettre une avance rapide.-
Nous avançons toujours, passons le magnifique pays de Dabo et nous commençons à redescendre vers la plaine d'Alsace; la forêt succède à la forêt et les virages aux virages. Vers 17 heures, nous sommes arrêtés par un arbre tombé en travers de la route. S'agit-il d'un guet-apens ou d'un hasard? Toujours est-il que nous nous dépêchons de le couper à la hache et que nous ne nous attardons pas dans cette forêt malsaine où rôdent cetainement encore des boches auxquels nous n'avons à opposer que quelques armes individuelles.
Enfin nous sommes dans la plaine et à 18 heures, nous sommes à Wasseleune, charmant bourg alsacien libéré seulement depuis midi, où nous retrouvons fusiliers-marins et spahis fraternisant de concert avec la population.
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Mon père avait été blessé peu avant Paris. Lors de sa convalencesnce, il enseigna Jean Gabin à manier un char. Et Marlène Dietrich attendait Gabin le soir à la grille du camp... |
Version : 03.12.2007 - Contents : Martine Bernard-Hesnard
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