Les Forçats

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Forçats de Nouvelle-Calédonie
Jusqu'en 1886, les convois de forçats étaient assurés par des frégates mixtes voile et vapeur de la Marine Nationale.

Le bagne était situé dans l' Ile NOU en baie de NOUMEA.

C'est d'ailleurs cette main-d'oeuvre qui, dans une large mesure, est à l'origine de la prospection et de l' extraction du minerai de nickel.

Vers 1880, les forçats travaillaient à la mine avec au pied un boulet retenu par une chaîne.

C'est en 1886 que la Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur fut déclarée adjudicataire pour ce trafic à la suite d'un appel d'offres lancé par le Ministère de la Marine et des Colonies (Il n'y avait qu'un seul ministère pour ces deux départements).

Auparavant, la Nantaise s'était déjà trouvée en relations avec ce Ministère qui, en 1884 lui avait confié le rapatriement vers les Etablissements français de l'INDE, d' émigrants indiens disséminés aux Antilles, à la Guyane et au Vénézuela. Ce premier transport avait été réalisé par le "VILLE DE ST NAZAIRE".

C'est avec le même navire que la Nantaise exécute son premier voyage de forçats (on disait alors des récidivistes).

L'embarquement a lieu sur rade de l' Ile d'AIX, le pénitencier se trouvant alors à ROCHEFORT.

Le premier voyage s'effectue par le Cap de Bonne Espérance et Natal où le "VILLE DE ST NAZAIRE" complète ses soutes. Il atteint la NOUVELLE CALEDONIE en 65 jours, alors que les frégates mixtes mettaient 80 jours environ et devaient rentrer par le Cap Horn.

Pour son premier transport, le "VILLE DE ST NAZAIRE" embarque 12 Officiers, 10 sous-Officiers et 50 hommes des Troupes de Marine; Parmi les Officiers, deux médecins-Capitaines, le plus ancien d'entre eux faisant fonction de commissaire du Gouvernement. Parmi les récidivistes, 300 hommes et 32 femmes

Les femmes condamnées ont été envoyées à la NOUVELLE CALEDONIE jusque vers 1990.

A son deuxième voyage, le "VILLE DE ST NAZAIRE" fait escale à ALGER pour y prendre des forçats algériens et il emprunte le Canal de SUEZ nouvellement ouvert.

En 1890, le navire se révélant de trop faible tonnage pour d'aussi longues traversées, la Nantaise fait l'acquisition du cargo anglais SIRDAR et le baptise "CALEDONIE". Les transformations sont faites à ST NAZAIRE.

Le "VILLE DE ST NAZAIRE" comme le "CALEDONIE" étaient commandés par le Capitaine DANO, Capitaine au long-cours, très connu et estimé à NANTES.

Le "CALEDONIE" l'ayant relevé vers le Bagne de l'Ile des Pins (L'Ile NOU devant NOUMEA), le "VILLE DE ST NAZAIRE" assure des transports de condamnés vers les Nouveaux Etablissements pénitenciers de la GUYANE. Les forçats y débarquaient aux Iles du Salut ou à St Laurent du Maroni, cependant que les relégués allaient à St Joseph du Maroni.

Au retour de la NOUVELLE CALEDONIE ou de la GUYANE, les vapeurs assuraient un trafic commercial ordinaire.

Le "CALEDONIE" commençait par relever vers SAIGON pour y charger du riz ou JAVA pour y prendre du sucre ou encore les INDES pour enlever des arachides.

Ce n'est que plus tard que la Société Le Nickel, exploitant les mines de nickel et de chrome put charger les navires sur place à destination du HAVRE ou de GLASGOW.

Le "VILLE DE ST NAZAIRE" rentrait de la Guyane avec du sucre des Antilles ou du charbon américain.

Poulo Condor, Croquis du Dr. A. Hesnard

En Novembre 1893, le "CALEDONIE" qui avait chargé des marchandises à SAIGON prend 130 forçats annamites au bagne de Poulo-Condor (une île au large de la Cochinchine) et les transporte à Obock.

Le Ministère des Colonies trouvant le "CALEDONIE" insuffisant, demande à la Nantaise de construire un plus grand navire. Ce sera le transport "LA LOIRE" dont la construction à ROUEN donne lieu à difficultés, car le chantier fait faillite.

Le nouveau transport de 6.000 tonnes entre en service en 1902 et charge son premier contingent de condamnés à l' Ile d'Aix le 19 Décembre.

L'année précédente, en 1901, l' Administration des Colonies avait cessé tout transport de forçats vers la NOUVELLE CALEDONIE et n'envoyait plus les condamnés que sur la GUYANE.

Entre deux transports de condamnés en 1903, "LA LOIRE" assure l'expédition de militaires de Marseille sur HAIPHONG et TAKOU. C'est l'époque de la Guerre des Boxers.

Le service normal de "LA LOIRE" consistait autrement à faire deux voyages par an sur la GUYANE. Entre temps, il était désarmé à ST NAZAIRE.

On étudia, mais on étudia seulement, un rapatriement de blessés et de prisonniers russes d'Extrême-Orient après la guerre russo-japonaise de 1905 et une expédition de sauvetage à DAKAR que ravageait la fièvre jaune.

En 1912, la T.S.F. fut installée à bord de "LA LOIRE". C'était à l'époque une chose rare.

La guerre vient. En juin 1915, le navire est réquisitionné, et après avoir transporté des condamnés aux Iles du Salut, il va chercher des boeufs à Madagascar pour Marseille.

Toujours sous réquisition, "LA LOIRE" va jusqu'en Mer Blanche, à Salonique et retourne à Madagascar pour y embarquer 2.000 hommes.

En Septembre 1917, le transport embarque du riz à Saigon puis va chercher au Nord de la CHINE 2.000 coolies, mais le navire n'échappera pas au torpillage. Il est touché en sortant de PORT-SAID et se perdra en rade d' ABOUKIR.

Heureusement, sauf un marin et un soldat tués par l'explosion, l'équipage et les passagers sont saufs.

Les transports de forçats reprendront seulement en Mai 1932. Le Ministère des Colonies cède à la Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur un navire pris aux Allemands qui est rebaptisé "MARTINIERE".

Ce vapeur avait été construit en Angleterre en 1911 et battait pavillon anglais sous le nom d' "ARMANISTAN". Il fut ensuite vendu à une Compagnie Allemande qui l'appela "DUALA". Il avait une portée en lourd de 5.000 tonnes et fut choisi pour le transport des forçats en raison de son faible tirant d'eau qui lui permettait de remonter le fleuve Maroni jusqu'au pénitencier de ST LAURENT. Les transformations du navire en bagne flottant furent effectuées par l' Arsenal de LORIENT et achevées en Mai 1921.

Son effectif se divisait ainsi:
Equipage: Officiers et marins, 54 hommes
Personnel de l'Administration: 2 médecins-capitaines, un chef de convoi, 2 infirmiers et environ 50 surveillants
Forçats et relégués: 653

Le "MARTINIERE" transportait donc 750 à 760 hommes lorsqu'il était complet.

A ses débuts, le "MARTINIERE" exécute six voyages consécutifs vers St LAURENT du MARONI, car il fallait décongestionner les Centrales de la Métropole et de l'Algérie, les transports ayant été interrompus pendant plus de six ans.

Les voyages se sont ensuite effectués à une cadence normale d' un ou deux voyages par an, suivant les contingents. Certains étaient mixtes, les condamnés venaient pour les uns de l' Ile de RE, pour les autres de Maison Carrée près d'ALGER.

Ceux qui venaient de l' Ile de RE embarquaient sur rade de LA PALLICE. Ils arrivaient de ST MARTIN DE RE sur des remorqueurs qui accostaient le transport. On distinguait les forçats coiffés du bonnet, des relégués qui portaient un chapeau de feutre mou.

L' Intendance Maritime se fournissait en chapeaux dans les magasins de ROCHEFORT qui en profitaient pour se débarrasser de leurs vieux stocks. Forme et couleur importaient peu.

Le navire comportait huit cages soit deux par faux-pont. Chaque compartiment possédait des grilles avec double ouverture. Les plats étaient passés par un guichet.

Un gardien assurait dans chaque cale la surveillance des deux bagnes tribord et babord.

Les condamnés couchaient dans des hamacs accrochés aux barrots sous le pont principal. Ils disposaient d'un banc en boix fixé aux membrures. Certains jouissaient d'une relative liberté dans la journée, mais le soir ils devaient regagner le bagne et bien entendu le gardien en vérifiait la fermeture. De plus, et par sécurité, le second-capitaine avait la consigne d'effectuer un contre-verrouillage dispositif spécial placé sur le pont principal.

Lorsqu'il y avait des récalcitrants, la première punition était les fers: le patient était allongé sur le panneau du faux-pont et avait les pieds retenus dans des boucles. La deuxième punition était les cachots disciplinaires de dimensions réduites où le condamné n'avait même pas la possibilité de s'asseoir.

Le "MARTINIERE" était en outre doté d'une rampe pouvant projeter de la vapeur. Lorsque l'ordre était troublé, il suffisait de fermer le panneau du pont supérieur et la chaleur qui se dégageait rapidement dans le faux-pont suffisait à rétablir le calme.

Si ce moyen ne suffisait pas, le Commandant pouvait donner l'ordre d' ouvrir les vannes de vapeur, ce qui avait le don d'apaiser les plus turbulents.

Sur le "MARTINIERE", le cas s'est produit une seule fois, en 1938.

Par contre, le navire disposait d'une infirmerie avec une vingtaine de lits métalliques.

La nourriture était identique à celles des soldats avec un quart de vin par jour.

En février 1931, le "MARTINIERE", après avoir débarqué un convoi à ST LAURENT du MARONI fait route vers SAIGON via Bonne Espérance pour prendre 500 condamnés de droit commun. Ils furent embarqués à SAIGON au Cap St Jacques et à l' Ile de POULO-CONDOR et dirigés sur CAYENNE.

Un deuxième voyage avait été traité, mais ne fut pas exécuté.

Le transport des condamnés prit fin au printemps 1939 et le "MARTINIERE" fut vendu à la Marine Nationale qui l'utilisa comme atelier pour l'entretien des sous-marins.
Il était ancré dans l' Arsenal de LORIENT et c'est là qu'il fut bombardé pendant la guerre.

 

De mauvais esprits pourraient penser que le Ministère des Colonies s'était tourné vers la Nantaise pour ces transport de condamnés en raison de la réputation que notre port s'était acquise pendant la traite des Noirs.

Je crois qu'une telle opinion serait injuste.

En fait, la Cie Nantaise de Navigation à Vapeur fut véritablement parmi les premiers armements français qui armèrent au long-cours avec des vapeurs et qui n'hésitèrent pas à se lancer dans l'aventure.

La compétence de la Nantaise s'est trouvée reconnue et c'est pourquoi les Autorités lui confièrent des transports dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'étaient pas faciles.

Au reste, NANTES ne fut pas un port plus négrier que les autres. Sa réputation vient surtout du fait qu' au 18ième siècle NANTES était le premier port de commerce français et qu' à cette époque, il était tout naturel de transporter des esclaves.

 

 

Conclusion

 

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