Chapitre 2: Pignons, fenouil et conseil de guerre

 

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- Mamie! Je peux avoir encore du chichi-frégi?

Mamie s'arrache mentalement les cheveux (elle n'en aurait pas fini s'il lui fallait passer à l'acte à chaque fois). Aussi, elle se contente de gémir:

- Tu ne vas pas me dire que tu as encore faim?
- Mais si,
fait ingénuement Gossegoulue.

Bruit de fond, puis murmure de choeur qui va crescendo pour éclater en apothéose:

- Nous aussi, nous aussi!

Cette fois, c'en est trop: Mamie se laisse tomber sur une chaise qui avait fort heureusement le sens de l'opportunité.

- Quatre mètres! J'ai acheté quatre mètres de chichi-frégi ce matin et elles ont déjà tout englouti!

Maman, qui en a vu d'autres, tente de la réconforter, choisissant ses arguments parmi les dernières thèses de diététique enfantine. Papy se contente de rire, mais garde néanmoins un oeil vigilant sur le reste de chichi encore présent dans son assiette qui lui semble allumer des lueurs dangereuses dans les yeux des quatre fauves.

Mamie, qui se sent mieux, propose quelques fruits, mais n'obtient qu'un succès d'estime. Outrées, Gossegoulue et ses lieutenants décident de faire la grève de la faim, car on ne risque plus rien.

Papy, qui a réussi à finir en paix son tronçon, se lève, ce qui donne le signal de la débandade générale. Avant de disparaître, Gossegoulue s'informe:

- On ira à la plage à trois heures, hein, Maman?
- Non, il faut que j'aille faire des courses en ville.

Regroupement général devant l'ennemi:

- Tu n'as qu'à y aller un autre jour!
- Tu nous avais promis de descendre plus tôt!
- Tu n'as pas besoin de faire des courses!
- Ce n'est pas la peine de venir à Toulon, on ne peut jamais aller se baigner!

Devant la parfaite mauvaise foi d'une telle affirmation, même Gossegoulue ne peut s'empêcher de sourire. La détente se fait sentir, on en est aux propositions de paix.

- On ne peut pas aller à la plage quand même? sussurre Gossegoulue.
- Non! Telles que je vous connais, vous vous baigneriez beaucoup trop tôt, et vous risqueriez la congestion!

La congestion, rien que cela! C'est bien une idée de grande personne! Gossegoulue réfléchit profondément:

- Si on ne peut pas aller à la plage, on peut aller jouer dans la pinède, alors?

L'attaque est traitre, Maman chancelle. Evidemment la proximité du Fort Lamalgue ne rend pas la pinède très accueillante, mais il est défendu par d'infranchissables fils de fer barbelés. Et puis, là, les enfants ne peuvent guère faire de bêtises.

- Bon, d'accord. Ramenez du fenouil. Et puis aussi des pignons, je vous en ferai un gâteau demain.

Voilà l'argument-clé. Gossegoulue n'a plus du tout envie de se baigner:

- On peut partir tout de suite, dis, Maman?
- Mettez vos chapeaux, au moins, le soleil tape. Et soyez là à cinq heures, nous aurons le temps de descendre à la plage.

 

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Péniblement, Loulou se glisse sous la barrière, la troupe est à pied d'oeuvre. Mais à une heure de l'après-midi, il fait chaud sur la pinède et, malgré toute leur ardeur, les filles cherchent un coin d'ombre. Trois pins, un buisson, voici une cabane parfaite. Assises en tailleur, elles confectionnent des colliers d'épines de pin, en attendant l'heure de passer aux choses sérieuses. Mais une fois les panoplies terminées, elles ne sauraient attendre plus longtemps, et nez à terre, elles se mettent en quête des pignons. Le mistral a soufflé durant la nuit et la cueuillette est donc abondante. Gossegoulue doit user de toute son autorité pour éviter que les éléments du gâteau ne disparaissent aussitôt recueillis.

Tout irait malgré tout pour le mieux, si une bande rivale n'avait eu, elle-aussi, la malencontreuse idée de songer à un gâteau. La pinède est grande, on s'ignore longtemps, mais lorsque Gossegoulue tente de s'introduire subrepticement dans un périmètre particulièrement fertile, elle trouve devant elle le chef de la bande adverse. Il faut alors réunir un conseil, palabrer longtemps à l'ombre des pins, mais on finit par trouver une solution de compromis. Oyez donc, bonnes gens et réjouissez-vous, il n'y aura pas de guerre. Gossegoulue délègue Paton, le chef ennemi une fille du même âge et on les laisse faire leur récolte, tout en maintenant strictement l'inviolabilité de la frontière.

Si fertile soit-elle, la réserve de pignons est vite épuisée et les deux bandes provisoirement réconciliées, prennent le chemin du retour.

Gossegoulue s'arrête net, au moment de franchir la barrière:

- Le fenouil! On a oublié le fenouil de Maman!

Quatre à quatre, la bande remonte la pente, car pas de fenouil, pas de gâteau; elles le savent fort bien.

Heureusement, la matière est abondante et les quatre filles ont vite fait de rafler une brassée odorante. Duchesse, qui cueille une ultime tige, suspend son geste:

- Gossegoulue! Regarde! Une pomme de pin est tombée avec tous ses pignons!

Choeur des petites:

- Hourrah! On y va!
- Non,
fait Gossegoulue.

Cela fait l'effet d'une douche froide. Gossegoulue ne peut avoir cessé d'aimer les pignons! Duchesse est vexée: une si belle découverte, on n'en profiterait pas!

- Ta pomme de pin, elle est derrière la barrière électrifiée!

Sur les remparts du Fort Lamalgue, une sentinelle arpente le chemin de ronde.

 

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Version : 27.06.2003 - Contents : Marzina Bernez

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