Chapitre 5: La désobéissance est-elle toujours condamnable ?

 

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Inutile de préciser que, le déjeuner expédié, Gossegoulue n'avait plus qu'une idée: retourner sur la plage. Absorbé par le renouvellement de son arsenal de bambou, le reste de la bande se désolidarise pour une fois de son chef. Maman hésite à la laisser descendre seule mais elle voudrait faire la sieste et elle sait fort bien que, si elle obligeait Gossegoulue à rester, des bruits non identifiables l'empêcheraient à coup sûr de fermer l'oeil. Or, comme de deux maux, il faut toujours choisir le moindre, elle se résigne à larguer sa fille, munie de toutes les recommandations d'usage. Gossegoulue écoute avec un recueillement hypocrite puis fonce sur la plage.

Les estivants sont tous remontés faire la sieste. Un agent veut barrer l'accès de la seconde plage à Gossegoulue mais l'inspecteur lui fait signe de laisser faire et elle se glisse silencieusement à côté de lui. La police vient de procéder à une reconstitution, quelques hommes ratissent encore le sable. Deux officiers cousus d'or discutent avec l'inspecteur.

- Il avait repéré notre voleur mais celui-ci est vraiment trop habile. A l'intérieur du Fort, il était relativement facile de neutraliser les sentinelles mais il lui était impossible de franchir les barbelés électrifiés. S'il était venu en hélicoptère, nous l'aurions entendu. J'avoue que je ne comprends pas!
- Et vous me garantissez l'inviolabilité de vos barbelés?
- Absolument,
Inspecteur! J'en réponds comme de moi-même.

L'inspecteur sent alors une petite main tirer sa manche. C'est Gossegoulue qui intervient:

- Dites…
- Qu'est-ce que tu veux?
demande-t-il gentiment.
- Je sais comment il a fait votre voleur pour passer les barbelés.
- Que fait ici cette gamine,
rugit l'officier, vexé. Vous n'allez quand pas écouter tous ses mensonges!

Chazal , lui, est prêt à accepter toute collaboration, si inefficace soit-elle.

- Tu sais, c'est un problème un peu difficile pour toi!
- Mais, puisque je vous dis que je les ai franchis les barbelés!

Le teint des deux officiers vire au homard. Dommage que les amiraux ne soient guère comestibles! En tous cas, l'apoplexie les guette.

L'inspecteur regarde Gossegoulue qui ne bronche pas et il se sent vaciller. L'aurore d'un espoir se lève dans son cerveau:

- Tu veux me montrer?
- A vous, oui, mais pas à eux!
fait Gossegoulue , vindicative.

L'inspecteur a du mal à cacher son sourire quand il s'adresse aux officiers:

- Qui ne risque rien, n'a rien. Je vais aller voir. Il serait peut-être plus prudent de couper le courant et d'avertir les sentinelles.

Les amiraux regagnent le Fort en grommelant contre l'imbécilité d'une administration qui leur donne un gringalet d'inspecteur tout juste bon à jouer avec des gamines insolentes. Dans leur dos, Gossegoulue tire une langue vengeresse et outragée que Chazal feint de ne pas voir.

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Tout en entrainant l'inspecteur, vers la pinède, Gossegoulue lui explique qu'il faudra surtout ne rien dire à Maman et aux filles, qu'elle n'a pas fait cela pour désobéir, mais pour attraper une pomme de pin qui faisait acte de mutinerie. Chazal, souriant la laisse parler. Il ne lui déplairait pas de jouer un bon tour aux amiraux.

Arrivé sur la pinède, Jean-Marie Chazal redevient l'inspecteur froid et lucide si apprécié de ses chefs. Il ignorait l'existence de la pinède, bien défendue par des barrières qu'il ne se serait pas permis de franchir. Il note tout: la plongée sur la rade qui en fait un observatoire privilégié, la proximité du Fort si facile à photographier, les buissons suffisament denses pour s'y cacher. Il s'attarde particulièrement dans une touffe épineuse où il ramasse quelques fils de tissu et des restes de repas. Etonnée et admirative, Gossegoulue le regarde faire. Enfin, il semble s'apercevoir de sa présence:

- Montre-moi comment tu fais, maintenant!

Gossegoulue rit et lui ordonne:

- Fermez les yeux!

Obéissant, l'inspecteur s'exécute. Deux secondes plus tard, il entend:

- Coucou!

Et d'ouvrir les yeux pour les écarquiller: Gossegoulue est de l'autre côté des barbelés, malicieuse. Chazal regarde vers le Fort: sur le chemin de ronde, les officiers, eux-aussi, l'ont vue. Et ils n'ont pas davantage compris.

- Explique-toi!
- C'est très simple! Entrez en rampant dans le buisson qui est devant vous.

Chazal plonge et trouve devant lui une rigole suffisament profonde pour permettre à un homme de passer sous les barbelés. On aboutit dans un autre buisson, d'où l'on peut guetter l'instant propice. L'inspecteur débouche à côté de Gossegoulue:

- Cela fait longtemps que tu connais ce passage?
- Je l'ai vu avant-hier, mais cela faisait peut-être plusieurs jours qu'il était là. Sans la pomme de pin, je n'aurais pas essayé… Vous êtes fâché…
murmure-t-elle au bord des larmes.
- Non, au contraire. Viens, il faut que j'aille au fort.

Et sans prendre la peine de regagner l'entrée principale et autorisée, l'inspecteur met le cap sur le Fort en tapant joyeusement dans une pomme de pin (dont Gossegoulue avait pris soin de retirer préalablement les pignons…)

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Après une brève mais orageuse conférence (la petite souris de service aurait entendu des "négligences inqualifiables" , des "conseil de guerre", des "dégradations"), l'inspecteur sort encore furieux et récupère Gossegoulue qu'il avait confiée au planton. Surpris en train de partager fraternellement ses pignons, le planton n'a guère le temps de rectifier la position, mais, redevenu indulgent, l'inspecteur le gratifie d'un sourire et emmène Gossegoulue vers une voiture qui attendait.

- Je te fais faire un tour en ville, tu veux?
- Mais, et
Maman? Qu'est-ce qu'elle va dire?
- Ne t'inquiète pas, je lui ai demandé la permission.
- Ah, bon! Alors, je veux bien!

Une heure plus tard, Chazal dépose Gossegoulue devant la grille. Elle se met aussitôt à la recherche de Maman qu'elle découvre sur la deuxième terrasse. Elle reste quelque temps songeuse puis déclare brusquement:

- Tu sais, l'inspecteur, eh bien, c'est un chic type!
- Ah?
fait Maman, intéressée.
- Oui, il m'a acheté un énorme chichi-frégi!

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Version : 30.06.2003 - Contents : Marzina Bernez

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