Un shériff-facteur discute avec un sioux directement originaire de la mystérieuse Afrique, lorsque Gossegoulue sent une impression bizarre, presque un malaise l'envahir. Elle se secoue, mais sans se débarrasser de cet étrange sentiment. Alors, (on n'y pas un grand-père psychanaliste pour rien), elle cherche à deviner les raisons profondes de ce malaise. Jusqu'à nouvel ordre, il n'y a pas eu de tremblement de terre, le pin est toujours à sa place, le cabanon aussi. Le ciel n'est pas encore rayé aux couleurs nationales, on entend le bruit rassurant d'un hélicoptère de la Marine. Gossegoulue ferme les yeux et tout redevient normal. Il n'y a plus qu'à faire un examen critique et panoramique de son champ de vision, ce à quoi elle procède immédiatement, faisant lentement tourner ses deux caméras. Brusquement, elle s'arrête: un homme dissimulé derrière un poteau électrique semble la fixer avec beaucoup d'insistance. Gossegoulue se fait un plaisir de lui démontrer qu'elle n'a pas de leçons à prendre en cette matière. Ecoeuré, (du moins, le suppose-t-elle!), l'individu disparaît avec une discrétion toute à son honneur. Il n'empêche, le beau scénario échafaudé par Gossegoulue en a subi un sérieux choc, elle ne sait plus où elle en est, le jeu a perdu sa saveur. Aussi, elle se laisse glisser à terre, où elle commence à rassembler son attirail de plage.
Quelques instants plus tard, la tribu descend l'escalier du figuier. Gossegoulue, qui était en tête, ralentit brusquement et se rapproche de Maman. Elle a l'impression que, de derrière les buissons, deux yeux hostiles l'épient. Elle a beau essayer de se raisonner, le buisson étant difficilement accessible pour les non-initiés, le résultat peut être considéré comme nul. Et quand Maman, en pleine forme, annonce son intention de nager jusqu'à la Pyramide, c'est la fin des petits pois (ce qui, du point de vue strictement gastronomique, ne serait pas une perte très regrettable, les petits pois n'étant pas en odeur de sainteté dans l'esprit de Gossegoulue ): Maman s'étonne de cette agitation:
- Enfin, qu'est-ce que tu as? Tu es malade?
- Non, mais ne va pas à la
Pyramide!
- Pourquoi?
Gossegoulue hésite, il est toujours vexant de devoir avouer ses craintes, mais… Et puis, Maman, ce n'est pas la même chose. Gossegoulue se jette à l'eau:
- Il y a un type… je crois qu'il me suit… il était déjà caché ce matin.
Maman a peut-être des défauts mais elle réfléchit rapidement et sa décison est vite prise:
- Ramassez vos affaires! On rentre à la villa!
Les filles ne protestent pas trop, car le piquant d'une situation nouvelle dédommage bien d'une baignade manquée.
Aussitôt arrivée à Port-Hesnard, Maman décroche le téléphone et demande l' inspecteur auquel elle a vite fait d'expliquer la situation. L'entretien est bref et Maman repose le combiné pour se voir assaillie de questions. Mais, rendement avant tout, elle prévient Gossegoulue:
- Va t'habiller, l'inspecteur vient te chercher dans un quart d'heure.
La troupe s'égaille avec la ferme intention de parer dignement Gossegoulue qu'elles envoient en ambassade chez le grand chef Comanche. Que voulez-vous, il faut bien savoir faire feu de tout bois!
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Chazal ne s'est arrêté que pour embarquer Gossegoulue. Voguant allègrement vers le centre de police, il lui fait raconter son histoire, puis embraye sur un récit de sorcière toulonnaise qui changeait le chichi-frégi en serpents, heureusement châtiée par une bonne fée qui avait le sens du patrimoine municipal. (Quel rapport? Ma foi, nous n'en savons rien! Allez donc chercher à comprendre ce qui se passe dans le labyrinthe mental d'un inspecteur de police.) . L'A.S.R.T. (Association des Sorcières de la Région Toulonnaise) ayant décidé de fermer les yeux, Chazal peut garer sa Fiat dans la cour de la police, sans crainte de la voir se transformer en dragon.
En pénétrant dans son bureau, Chazal redevient sérieux, redevenons-le nous aussi. Il fait asseoir Gossegoulue, puis envoie un de ses adjoints ramasser quelques photos de voyous notoires. Il explique la manoeuvre:
- Tu vas bien regarder les photos et, si tu reconnais quelqu'un, tu me le montres!
Gossegoulue s'attable devant une pile de photos et entame le travail avec le sérieux d'un pape. Sans grand succès d'abord, mais, vers les trois quarts de la pile, elle sursaute:
- Celui-là! C'est l'homme de Gasparinette , j'en suis sûre!
Chazal examine la photo avec un intérêt qui n'a rien de philanthropique:
- C'est l'homme d'aujourd'hui, aussi?
- Il était caché, je ne l'ai pas bien vu, mais je
crois que c'est lui.
- Parfait, on va s'en occuper. Viens, je te ramène chez toi.
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Rassurée, Gossegoulue est descendue à la plage dans l'après-midi. Sous l'oeil vigilant de Maman, elle s'acharne à traquer quelques oursins, pour le sport d'ailleurs, car les oursins flirtent allègrement avec les petits pois sur sa liste noire. Chazal dévale l'escalier selon son habitude et dérape sur une peau de banane facétieuse. Il n'évite que de justesse une chute qui aurait fortement atteint le prestige, corollaire d'un officier de la Loi.
Gossegoulue émerge pour s'entendre appeler et elle abandonne les oursins à leur triste sort. Assise à côté de Chazal, elle l'interroge du regard:
- Ecoute, Gossegoulue, ce type ne te
suivait pas pour tes beaux yeux…
- Pourquoi pas? interrompt
Gossegoulue, vexée.
- En tous
cas, cela rendait le travail agréable, consent Chazal, amusé. Mais il voulait sûrement
autre chose. Tu ne vois pas?
- Non, je n'y connais rien, moi, à leurs histoires!
- Essaie de
te rappeler. Raconte-moi la dernière matinée du soyeux
.
- Et bien… euh… d'abord, il est resté sur cette plage, d'habitude, il va sur
l'autre… et puis, il n'a pas voulu jouer… Il n'a presque rien dit, on est parties avant lui… ah,
si, il m'a donné des coquillages à garder.
Chazal sursaute si soudainement que Gossegoulue vérifie avec discrétion qu'elle n'a pas laissé quelques oursins sous une partie bien définie de l'individu de l'inspecteur . Dans la négative, elle se réintéresse à la discussion.
- Des coquillages ? Quels
coquillages ?
- Il y a de tout petits
coquillages sur l'autre plage, il nous les avait montrés.
Il en avait lui aussi.
- Où les as-tu mis? Réponds!
- Ben, dans mon sac à coquillages, fait
Gossegoulue, inquiète devant ce débordement d'énergie.
- Donne ton sac!
- Je ne peux pas, on me l'a volé l'autre jour.
Chazal laisse échapper un râle d'agonie. Un observateur lucide et impartial pourrait lui dire qu'en cas de licenciement, il se ferait une fortune en posant pour la statue du désespoir. Nous nous permettons cependant de douter de l'efficacité d'une telle remarque sur l'état moral de l'inspecteur .
Gossegoulue est perplexe: Les inspecteurs ont décidément des réactions bizarres, elle essaie de lui parler, mais, semble-t-il, en vain. Pourtant quelques mots réussisent à résonner dans l'esprit obscurci de Chazal:
- Pas dans mon sac… cachés dans une boîte…
Chazal émerge de sa mare:
- Qu'est-ce que tu dis?
- Je vous dis que je ne les ai pas laissés dans mon sac, pour ne
pas les mélanger avec les miens. Ils sont à la villa dans une boîte.
Chazal est tout-à-fait remis. Il appelle deux baigneurs que Gossegoulue comparait à certains mollusques à coque noire bien connus des gastronomes, et qui se révèlent en fait très capables de suivre les foulées athlétiques de l' inspecteur qui entraine Gossegoulue. Les quatre compères enfoncent à toute allure la grille de Port-Hesnard. Mamie n'évite la crise cardiaque que de très peu, Papy en perd une sérieuse dose de son calme philosophique. Quelques acrobaties, et ils atteignent le domaine de Gossegoulue qui fouille dans un tas de feuilles et en sort une boîte de médicaments qu'elle tend fièrement. Chazal tremble en l'ouvrant, mais les coquillages sont là. Sur le point de se lancer dans une gigue endiablée, il se rappelle la présence de ses adjoints et réendosse, quoique avec peine, le détachement de rigueur. Les officiers de police se hâtent vers leur voiture, Gossegoulue, indulgente, les suit et les regarde démarrer, un large sourire répondant à celui de l'inspecteur.
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