Note concernant le départ du corps de santé de la marine du
Médecin-Général Hesnard

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Après avoir subi une dure occupation allemande en Tunisie, j'ai été à la Libération, désigné comme Inspecteur du service de santé de la marine-afrique, par M. le Vice-Amiral Michelier, Commandant en Chef.

Alors que je m'apprêtais à partir en inspection à Dakar, Abidjan, etc., je lus un matin dans le petit "Journal Officiel", qui paraissait depuis peu à Alger, que j'étais placé en "congé d'activité". Etant allé à l' Amirauté pour demander des explications, le Capitaine de Vaisseau Lemonnier (plus tard Amiral) me dit qu'il ne savait pas pourquoi j'étais placé en congé mais que je "devais avoir des ennemis!" Or, je ne m'en connaissais pas!

Je demandais à passer devant une Commission d'épuration. Après enquête, il me fut répondu qu'il n'y avait pas de raison. Ayant demandé à passer mon congé à Casablanca, on fit suite à ma proposition. Je fus accueilli au Maroc par les confrères civils avec un dévouement très cordial. La Municipalité de Casablanca me procura un appartement neuf (4000 f par mois, ma solde de congé était de 6000f) et, grâce à ces confrères, je pus ne pas mourir de faim avec ma femme et ma seconde fille et j'eus immédiatement une clientèle civile de ma spécialité.

Ce n'est qu'après des années qu'une enquête personnelle facilitée par mes amis me révéla les raisons de ma disgrâce qui, bien entendu, interrompit ma carrière:

1º) On me communiqua un numéro du Journal français de Londres: "Les Cahiers français" (Société des Editions de la France libre, 4 Carlton Gardens, Londres) dans lequel il y était dit (page 23) "le médecin-Général Esnard (nom mal orthographié, ce qui m'a permis de remonter à la source de la calomnie * ) fit part de ses doutes sur la nouvelle ligne de conduite adoptée (C'est-à-dire l'ordre donné par l'Amiral Derrien de résister aux Allemands) ... Il craignait qu'elle ne fut pas la ligne de la politique du Maréchal. Pour apaiser ses scrupules, l' Amiral Derrien offrit de retéléphoner au Résident Général. Au cours de cette conversation, l'Amiral Derrien se fit admonester par le Résident: on était allé trop vite, etc..." Le journal expliquait que l'Amiral Derrien avait alors obéi au Résident Général. (l'Amiral Estéva) en rapportant son ordre! Or, c'était un faux, aussi absurde que fantaisiste.

2º) Cet incident de ma présence chez l'Amiral Derrien (J'allais le voir chaque soir pour lui rendre compte des préparatifs du combat concernant le ravitaillement sanitaire) fut évoquée au procès Derrien l'année suivante. L'Amiral m'avait fait promettre de témoigner de la colère d'Estéva et de son ordre à Derrien de garder la neutralité lors de l'arrivée prévue (commencée) des Allemands. J'ai tenu ma promesse. J'étais le seul témoin à décharge à ce procès d'une justice d'exception. C'est grâce à mon témoignage que l'Amiral fut condamné pour un autre motif que celui du changement de son ordre de résistance: pour n'avoir pas fait saboter, un mois après l'arrivée des allemands, les petites unités sous ses ordres à Bizerte, et cela pour ne pas résister à l'ultimatum d'Hitler (Tout sabotage entrainera la destruction de Bizerte par des bombes de gros calibre). Derrien craignait, étant donné le nombre de familles et la précarité des abris, que son refus entrainât l' ouverture de 2000 à 3000 tombes françaises.

3º) Le bruit avait couru chez certains groupes de civils de Ferryville-Bizerte que j'avais eu des rapports avec des officiers allemands. Or je n'eus affaire qu'au Commissariat allemand de l' Arsenal et sur le strict plan du service et avec les médecins allemands sous le seul signe de la Croix-Rouge. Malheureusement, les Allemands ont admiré le dévouement de nos collègues et ont fait l'éloge du service de santé de la Marine française! Le médecin-général allemand, ayant obtenu de moi l' autorisation d'aller visiter ses blessés (traités par nos médecins) apercevant de loin ma femme, qui habitait l'Hôpital de Sidi-Abdallah et apprenant qu'il s'agissait de l'épouse du Docteur, se précipita sur elle, lui prit la main et la baisa, à la stupéfaction de ma femme, qui ne savait pas à qui elle avait affaire. Ce petit incident plutôt comique, fut immédiatement colporté et contribua à faire dire que "j'étais bien avec les Allemands".

Une enquête ayant été ordonnée à la Libération par Alger sur le strict plan du service "le comportement du Médecin-général pendant l'occupation allemande ", son résultat me fut communiqué (à l'Amirauté ) par le Commandant Berlinz, chef d'Etat-Major: "Ragots de concierge"

4º) Le bruit avait couru aussi que j'avais entretenu des relations avec le Ministre allemand, résidant à Tunis. En effet, j'avais été convoqué par ce ministre, en même temps que le directeur de l'Institut Pasteur de Tunis, pour la lutte contre le typhus exanthématique, qui commençait à sévir. J'ai été présenté au Ministre par l' Amiral Estéva, comme tous les chefs de service. Un malheureux hasard a voulu que le ministre connaissait le nom de mon frère, le Prof. Oswald Hesnard, Directeur des Services d'information sociale à l'Ambassade de France de Berlin, poste qu'il a occupé durant vingt ans, durant lesquels il a été le conseiller intime d'Aristide Briand et le principal agent de rapprochement A. Briand-G. Stresemann. Mon frère aîné, Oswald, mort en 1937, recteur de l'Académie de Grenoble, était très connu en Allemagne comme germaniste. Or, il a du, après l'échec de la politique de rapprochement, quitter précipitament Berlin car des menaces de mort émanant des hommes de main d'Hitler étaient inscrites chaque soir sur sa porte. Mon frère, qui a fondé l' Institut français de Berlin et qui a travaillé à l' Ambassade avec ses collaborateurs Viénot (ensuite Ministre à Londres) et Massigli (ancien chef du quai d'Orsay) était un grand ennemi du parti Hitlérien (je possède une collection de journaux de l'époque dans lesquels il est qualifié de "traitre" "valet de Briand" etc. ou sa caricature.) Or, il a été dit que "j'avais des relations avec les Allemands par mon frère". J'ajoute que, le Ministre allemand m'ayant parlé de lui, je dus lui préciser que mon frère avait été persécuté par les nazis. A leur départ de Tunisie, il chercha à me voir pour me proposer de rentrer avec eux, ce que je refusais tout en rappelant que je n'avais accepté de les contacter que sous la garantie de la Croix-Rouge. Comme le Ministre paraissait dépité de mon refus, je me refugiais dans la clandestinité aux environs de Bizerte et n'en sortis qu'après le départ précipité des Allemands. Je croyais avoir tenté de ??? dans mes relations avec l'occupant aux nécessités de la Convention internationale. Je ne m'attendais certes pas à être ??? des affres de Bizerte ??? de colibets!

 

Le reste du document est indéchiffrable...

 

* Il s'agissait du Cap. de frégate D., chef de l'aéronautique, collaborateur notoire, qui avait tenté de me rallier à sa cause et qui, furieux de voir que le Médecin Général condamnait toute collaboration, avait consigné ses prétendus souvenirs dans un journal qu'il avait laissé bien en évidence dans son tiroir à la disposition des Libérateurs.

 

 

Version : 03.08.2005 - Contents : Martine Bernard-Hesnard

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